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Théâtre par la Cie Commun Monde | La solitude des champs de coton

Publié le 16 janvier 2023 Mis à jour le 30 juin 2023

Attraction, répulsion, le dialogue n'est jamais chose facile...

Création 2023 par la Cie Commun Monde dans le cadre
de sa résidence artistique à l'Université Lyon 3

Adaptée de Bernard-Marie Koltès
Mise en scène : Guillaume Carron
Avec : Clémentine Allain et Mickaël Pinelli


En compagnonnage avec le
Théâtre National Populaire de Villeurbanne


Durée estimée du spectacle : 1H30

 Mon désir, s’il en est un, si je vous l’exprimais, brûlerait votre visage.

Un dealer, un client. Deux personnages seulement désignés par leur fonction. Ils se rencontrent. Rien ne les destinait à se parler. Une déviation a eu lieu, quelque part, à un moment ; mais qui a changé de chemin ? Le dealer aborde alors le client pour tenter de comprendre l’objet de son désir, un objet qu’il serait prêt à lui donner. Mais alors qu’une attraction énigmatique se crée entre les deux personnages, le client refuse sans cesse les propositions du dealer, au point d’instaurer dans le dialogue un combat que les mots ne suffiront pas à résoudre.
 

UN MOT SUR LA PIÈCE

Dans la solitude des champs de coton interroge le désir dans sa relation avec une société de marché. Koltès écrit cette pièce dans les années 1980, à un moment charnière. Depuis le XVIIIe siècle et la naissance du libéralisme, l’Histoire est marquée par une confiance et un espoir en la notion d’échange. Le marché semble avoir instauré une fluidité des relations sociales et ouvert la créativité dans le monde du travail. Il a aussi créé, dès le début, des inégalités, mais les dénonciations marxistes des injustices consécutives au marché n’ont pas été suffisantes pour empêcher le développement des sociétés capitalistes.

Bernard-Marie Koltès

Le commerce ne renvoyait plus seulement à un ensemble de métiers, mais à un modèle relationnel plus général : Montesquieu louait la capacité du commerce à instituer la justice dans les relations internationales, Tocqueville montrait les vertus de cette économie nouvelle dans la mobilité sociale, Claudel faisait de l’ « échange » une force du désir humain. La société de marché s’est construite sur la conviction que le mouvement de la monnaie pouvait aussi être celui d’une société vivante, dynamique et heureuse. Lorsque Koltès écrit la Solitude en 1986, le rapport entre le désir et le marché se trouve encore au cœur des préoccupations humaines. Mais ce rapport se traduit en lui d’une manière singulière et peut-être même paradoxale. Car le deal n’est pas seulement le marché, mais une transaction réputée interdite, souvent cachée, hors lois, où tout semble possible sans que l’objet du désir ne soit même prononcé.

Koltès voit dans le deal une sorte d’idéal des interactions humaines : on évite ainsi les affects banals, les complaintes lassantes de l’insatisfaction et de la culpabilité. Le désir ou l’amour sont pour lui des non-sujets, des sujets guimauves, ennuyeux et peu dramatiques. Et pourtant, il avoue aussi que la question du désir, et plus spécifiquement d’un désir opprimé qui se cherche, est au coeur de son écriture. Dans la solitude des champs de coton incarne ce paradoxe du désir : on parle sans cesse du désir pour dire qu’il n’existe plus. On a souvent cru que ce « complexe du désir » était lié à l’homosexualité de l’auteur et à l’oppression dont était victime la communauté gay à cette période. Mais Koltès a souvent été déçu que l’on réduise le problème de la pièce à sa biographie. La Solitude témoigne d’une difficulté plus générale de l’expérience du désir dans nos sociétés contemporaines.

Ce qui m’a d’abord touché dans la pièce est la difficulté d’expression du désir, la difficulté de trouver les mots désignant ce que l’on veut vraiment. Il y a dans cette impasse du « dire » une expérience tragique que je trouve très actuelle et que j’ai envie de montrer

Guillaume Carron, metteur en scène

Qui sont les artistes ?
La Cie Commun Monde
Comme le « jeu de mots » l’indique, le projet artistique ouvre deux perspectives. Il s’agit d’abord de concevoir la compagnie comme un monde, c’est-à-dire comme un lieu ouvert et vivant, nourri d’imaginaire et d’idéaux, capable de construire entre des personnes et des institutions différentes des relations à la fois solides et singulières. C’est pourquoi les membres de la compagnie ne sont pas tous issus du monde du théâtre mais de la société dans son ensemble. Samuel Pelras, qui préside l’association, est enseignant et Florence Rutschi, la trésorière, informaticienne.


L’enjeu est d’inscrire la vie du théâtre dans la réalité sociale et d’entrelacer la vie de la compagnie et ce qui se passe sur le territoire. Mais l’insistance sur le monde commun définit aussi un idéal politique. Il s’agit de retrouver, grâce au théâtre, une pensée de la société et de la relation à autrui qui nourrisse notre désir de construire un monde commun. La perte d’étonnement, la disparition de l’esprit critique et des utopies détruisent peu à peu le sens de la vie politique et citoyenne. Comment retrouver à la fois l’envie de participer aux décisions collectives et l’efficacité d’une telle participation ? Comment renouer avec le désir de s'impliquer dans la vie de la « cité » ? Notre conviction est que le théâtre a un rôle essentiel à jouer à ce niveau-là.



 
Guillaume Carron, dramaturge, philosophe, enseignant
Directeur de la Cie Commun Monde

Agrégé et Docteur en philosophie, il a d’abord enseigné cette discipline pendant cinq ans (2004-2009) à l’Université Lyon 3. À ce moment-là, ses travaux portent sur la pensée de Merleau-Ponty et sur le lien entre la philosophie et le théâtre. Pendant son parcours universitaire, il tisse des liens constants entre la faculté de philosophie de Lyon et différents théâtres de la région lyonnaise : le TNP de Villeurbanne, mais aussi le théâtre du Point du Jour et le théâtre de La Croix-Rousse.

En 2010, son travail de thèse reçoit le prix de thèse de l’Université Lyon 3 et ses recherches sur théâtre et philosophie sont récompensées par le prix jeune chercheur de la Ville de Lyon en 2012. En 2017, il est embauché comme dramaturge et conseiller artistique sur les créations de Christian Schiaretti. Tout en enseignant au lycée, il travaille alors sur Ubu Roi d’Alfred Jarry, L’incident d’Antioche de Alain Badiou, Ajax de Sophocle, Hippolyte de Robert Garnier, Victor ou les enfants au pouvoir de Roger Vitrac, L’Échange de Paul Claudel. Il se forme à la mise en scène et participe aussi à la création de quelques spectacles pour les compagnies Théâtre en Pierres Dorées dirigée par Damien Gouy et Ostinato, dirigée par Olivier Maurin.

Après le changement de direction au TNP et la longue interruption du monde de la culture en raison de la COVID, il fonde en 2021 la Compagnie Commun Monde.

 

Clémentine Allain, comédienne

Elle été formée au Conservatoire de Nantes, puis à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT) de Lyon. Depuis sa sortie de l’école en juin 2010, elle travaille régulièrement avec la Compagnie Ostinato (En courant, dormez ! d’Oriza Hirata, L’amant d’Harold Pinter, Illusions et Ovni d’Ivan Viripaev, mis en scène par Olivier Maurin), la Compagnie des Échappés vifs (Maladie de la jeunesse de Ferdinand Bruckner, We just wanted you to love us de Magali Mougel, mis en scène par Philippe Baronnet), et la Compagnie Y (Cannes 39-90, écrit et mis en scène par Étienne Gaudillère). Elle a également participé à plusieurs tournages, dont la série Disparue réalisée par Charlotte Brandström, et Marche ou crève, le premier long métrage de Margaux Bonhomme. Prochainement, elle jouera dans la nouvelle création mise en scène par Philippe Baronnet, une adaptation du roman de Donna Tartt Le chardonneret, par l’autrice Jalie Barcilon.

 

Mickaël Pinelli, comédien

Il a été formé au Cours Florent et à l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT) de Lyon. Comédien depuis plus de 20 ans, il a beaucoup joué au théâtre, notamment sous la direction de Philippe Delaigue, Olivier Maurin, Chirstian Schiaretti, Louise Vignaud, Gwenaël Morin, Claudia Stavisky. Il a dernièrement joué dans Que ma joie demeure, de Giono, mise en scène par Clara Hedouin. Il tourne également au cinéma et à la télévision. Au cinéma il a notamment joué dans L’établi de Mathias Gokalp et Ni une ni deux de Anne Giafferi. Il participe à plusieurs tournages pour la télévision, dont les séries Cherif et Engrenages, et plus récemment dans le film de Laurent Tuel Pourquoi je vis