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COPPOLA Samy

"Marotte du temps ! Fabrique de controverses !" : formes et genres de l'écriture satirique et polémique dans les Œuvres en prose d'Alfred de Musset.

Publié le 22 août 2013 Mis à jour le 13 février 2015

Thèse en langue et littérature françaises soutenue le 11 septembre 2013. Thèse en codirection avec l'Université de Nantes.

Alfred de Musset polémiste ? Le sujet a de quoi étonner quiconque connaît un tant soit peu l’œuvre du poète, qui n’a cessé de revendiquer son indépendance à l’égard des partis et son refus d’être « pamphlétaire » ou d’endosser la posture hugolienne de « l’homme du siècle et de ses passions », ou quiconque s’en tient à l’image stéréotypée de « poète léger » et de citoyen indigne longtemps véhiculée par ses détracteurs et les manuels scolaires. Et pourtant, une bonne partie de son œuvre, poésie, théâtre et prose, fait le procès de son époque, fustige les nouveaux dogmes et les clichés du siècle, et retrouve la tradition de la satire classique.
La posture de retrait qu’adopte Musset à l’égard des écoles ennemies, néoclassiques et romantiques, est plus largement une posture polémique, et en même temps Musset opte là aussi pour l’écart : il polémique tout en niant polémiquer. Cette dimension agonistique apparaît particulièrement dans les Œuvres en prose de Musset, et notamment dans ses articles critiques et ses chroniques journalistiques, mais elle parcourt aussi, à la façon d’éclairs fugaces et incandescents, ses romans (La Confession d’un enfant du siècle est aussi condamnation du siècle), tandis que ses Nouvelles et ses Contes retrouvent les chemins de la satire classique.
La présente étude se propose d’interroger les liens qui unissent, chez Musset, polémicité et généricité. Elle opte pour une approche stylistique de l’œuvre, une œuvre riche en formes et en genres dont l’analyse est inséparable de la prise en compte du contexte de leur production (la monarchie de Juillet et la « bataille romantique ») comme de celle du support journalistique qui les accueille : les Mélanges de littérature et de critique comptent des formes et des genres où Musset se fait écrivain journaliste malgré son aversion pour la presse. Musset retravaille ces formes et ces genres au gré des polémiques qu’il y insère, et réciproquement adapte les formes du polémique, le degré même de polémicité, au genre investi. Il refuse de se faire âpre polémiste mais recourt à divers procédés et intertextes propres aux registres polémique et satirique. Il polémique paradoxalement contre les polémiques et opte pour un éthos de « dandy bouffon », volontiers railleur et désinvolte, pariant sur la connivence avec le lecteur, et méfiant envers la violence du langage des formes polémiques contemporaines.
Maître ironiste, habile à subvertir les genres de l’intérieur par une fictionnalisation des formes journalistiques et par la polémisation de genres a priori non polémiques, à réfuter les contre-discours aussi bien au moyen de la parodie et du pastiche qu’à celui d’une rhétorique subtile de réfutation, Musset laisse cependant entendre derrière la dérision une voix ambigüe, désenchantée et duelle, où l’énoncé s’en prend à l’énonciation au point de brouiller parfois la lisibilité de la polémique, dans une logique d’ironie « dix-neuvièmiste ». En définitive, le polémique mussétien s’attaque au « prêt à penser » de son époque, mais se retourne bien souvent aussi contre le Moi, cet « enfant du siècle », dans la logique d’une ironie romantique.

Alfred de Musset polemicist? The subject could surprise anyone who knows the slightest bit of the work of the poet, who has continued to assert his independence from the parties and his refusal to be a "pamphleteer" and to endorse the hugolian posture of “the man of the century and its passions”, or anyone who sticks with the stereotypical image of "light poet" and unworthy citizen long mediated by his detractors and scholar textbooks. And yet, a good part of his artwork, poetry, drama and prose, makes the trial of his era, denounces new dogmas and cliches of the century, and joins to the tradition of the classic satire.
Withdrawal posture adopted by Musset against enemy schools, neoclassical and romantic’s one, is more widely a controversial posture, and at the same time Musset opts there also for the distance : he’s involved in controversy while denying argue. This agonistic dimension appears particularly in the prose works of Musset, and particularly in his critical articles and journalistic chronicles, but it crosses also, like lightning fleeting and glowing, his novels (The Confession of a child of the century is also a harsh condemnation of the century), while his Short-Stories and his Tales get back to the paths of the classic satire.
The present study proposes to examine the links that bind, in Musset’s works, polemicity and genericity. It opts for a stylistic approach of the work, which is rich in forms and genres whose analysis is inseparable from taking account of the context of their production (the July monarchy and the "romantic battle") as of the journalistic media that welcomes them: Mixtures of literature and criticism are forms and genres where Musset turns out to be a “writer- journalist” despite his dislike of the press. Musset reworks these forms and these genres according to the polemics he inserts, and reciprocally adapts forms of the controversy, even the degree of polemicity, with the invested genre. He refuses to be bitter controversialist but uses various stylistic devices and intertexts specifics to polemical and satirical modes. He paradoxically attacks the controversies and opts for an ethos of "jester dandy", willingly mocking and flippant, betting on the connivance with the reader, and suspicious of the violence of the language of contemporary polemic’s forms.
Master ironist, adept at subverting the genres from the inside by a fictionnalisation of journalistic forms and by the polemisation of a priori not polemical genres, to refute the counter-discourse as well through parody and pastiche as a subtle refutation’s rhetoric, Musset suggests however behind derision an ambiguous, disenchanted and dual voice, where the utterance lashes out against the enunciation to the extent of blurring sometimes the readability of the controversy, in a logic of "nineteenth’s" irony. As it emerges, Musset’s controversy tackles "ready to believe" of his time, but often also turns against himself, this “child of the century”, in the logic of a romantic irony.

Mots-clés : DISCOURS AGONISTIQUES, GENRES, IRONIE, PARODIE, PASTICHE, POLEMIQUE, POLYPHONIE, PRESSE, ROMANTISME, SATIRE, STYLISTIQUE

Keywords : AGONISTIC DISCURSES, CONTROVERSY, GENRES, IRONY,
PARODY, PASTICHE, POLEMICAL, POLYPHONY, PRESS, ROMANTICISM, SATIRE, STYLISTIC.


Directeur de thèse : Marie-Hélène SERVET
 

Membres du jury :
Henri SCEPI, Professeur, Université Paris III Sorbonne, Pré-rapporteur
Gilles PHILIPPE, Professeur, Université de Lausanne, Pré-rapporteur
Franck LESTRINGANT, Professeur, Université Paris IV Sorbonne
Jérôme THELOT, Professeur, Université Jean Moulin Lyon III
Marie-Hélène SERVET, professeur, Université Jean Moulin Lyon III, Directrice de thèse
Sylvain LEDDA, Professeur, Université de Nantes, Co-directeur
            
Président du jury :  Franck LESTRINGANT

Mention : Très honorable avec les félicitations du jury

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