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VUILLET Henri

Externalisation et service public : de la pratique à la théorie

Publié le 3 juillet 2023 Mis à jour le 6 juillet 2023

Thèse en Droit, soutenue le 19 juin 2023.

Outil de gestion stratégique hérité de la science managériale, l’externalisation se définit comme cette opération à l’instar de laquelle une personne publique confie à un opérateur extérieur privé une activité ou un service qu’elle exerçait précédemment ou qui était normalement à sa charge. Estimée en France à 190 milliards d’euros annuels, équivalent au quart du budget de l’État soit 7-8 % du PIB, l’externalisation se matérialise tout à la fois par un repli sur les compétences normatives dites « principales » et un déploiement sur les compétences matérielles dites « annexes » ; la « détachabilité » constituant, pour sa part, une notion à géométrie variable insusceptible de délimiter des périmètres clairs. D’où cette « incertitude des frontières » entre ce qui doit rester aux mains de l’État et de ses démembrements et ce qui ne peut plus l’être. « Faire » ou « faire faire » ? Transférer sans perdre son identité, se délester sans se renier. Omniprésente dans le langage même du droit public bien que paradoxalement distincte de toute notion juridique définie, l’externalisation endosse des formes juridiques variées et encadrées par le code de la commande publique ; le procédé pâtissant, au demeurant, d’une déficience réelle, qu’elle soit textuelle, jurisprudentielle ou encore doctrinale. Nécessité plus qu’un choix, le réflexe l’emporte désormais sur l’occasionnel. Pratiquée mais non théorisée, cantonnée à un consensus, voire considérée comme cette « méta-notion » amorphe livrée à des règles éparses traversant les matières concernées plus qu’elles ne cernent la logique même du processus, l’externalisation vaut d’être ralliée à la cause de la contractualisation, c’est-à-dire conceptualisée. Il s’agira alors de dimensionner comme de donner une réalité à cette modalité d’action publique assimilable à cet instrument ajusté pour la réalisation de compétences accessoires des personnes publiques mais surtout, et avant tout, à cette habilitation par obligations consistant à confier à un tiers ce que l’ordre juridique et le droit objectif confient d’ordinaire aux personnes publiques au nom de l’intérêt général. D’où cette nécessité de « constitutionnaliser » l’externalisation en se retranchant nullement derrière un pouvoir discrétionnaire laissant place à la libre appréciation voire à l’arbitraire, de même que de remédier à une conceptualisation inaboutie voire dénaturée par une intégration « sous la contrainte » à des outils contractuels existants. Dans un contexte de délitement des services publics et de dyspnée de l’action publique, le service public aspire à retrouver les moyens de ses ambitions. Il en va de sa survie et donc de son évolutivité au cœur même de ce vaste mouvement de métamorphose de l’économie des services publics. Afin de tendre vers cette utilité promise et de satisfaire l’intérêt général en tant que finalité dégagée, l’externalisation n’a pas d’autre alternative que d’épouser l’esprit qui habite le service public. Faut-il s’obstiner à vouloir dépenser plus et à contretemps ou bien se résoudre à vouloir dépenser mieux et à temps ? Faut-il répondre aux besoins par le renforcement et la montée en qualité des services publics ou bien laisser libre court à une privatisation « par le haut » ? Faut-il faire des autorités publiques de véritables leaders ou bien de véritables outsiders ? L’objectif sera donc de confronter les dimensions économiques et humaines symboles d’une gouvernance juste et équitable ainsi que de manager à bon escient dans une optique d’amélioration continue et d’ajustements constants. En somme, penser au-delà de l’État via l’interaction et l’interdépendance, les plus à même de pousser à l’interpénétration sous l’ordre et la lumière.

Mots-clés : Science managériale – Externalisation – Personnes publiques – Commande publique – Contractualisation – Conceptualisation – Action publique – Intérêt général – Constitutionnalisation – Service public – Économie des services publics – interdépendance

Outsourcing is a strategic management tool inherited from managerial science, defined as an operation in which a public entity entrusts to a private external operator an activity or service that it previously performed internally or which was normally under its responsibility. Estimated in France at 190 billion euros per year, equivalent to a quarter of the State budget, i.e. 7-8% of GDP, outsourcing takes the form of both a withdrawal to so-called “main” normative skills and a deployment on the so- called “additional” material skills; the “detachability” constituting, for its part, a concept with variable geometry insusceptible delimiting clear perimeters. Hence this “uncertainty of borders” between what should remain in the hands of the state and its branches and what can no longer be. “Do” or “get done”? Transfer without losing your identity, offload without denying yourself. Omnipresent in the very language of public law, although paradoxically distinct from any defined legal notion, outsourcing takes on various legal forms framed by the code of public procurement; morever the process suffers from a real deficiency, whether textual, jurisprudential or even doctrinal. Necessity more than a choice, the reflex now prevails over the occasional. Practiced but not theorized, confined to a consensus, or even considered as this amorphous “meta-notion” delivered up to scattered rules crossing the subjects concerned more than they define the very logic of the process, outsourcing is worth rallying to the because of contracting, that is to say conceptualized. It will then be a question of sizing as of giving reality to this modality of public action assimilable to this adjusted instrument for the realization of ancillary powers of public persons but above all, to this empowerment by obligations consisting in entrusting to a third party what the legal order and objective law usually entrust to public persons in the name of the general interest. Hence this need to “constitutionalize” outsourcing by in no way taking refuge behind a discretionary power leaving room for free appreciation or even arbitrariness, as well as to remedy an incomplete or even distorted conceptualization by integration “under duress” to existing contractual tools. In a context of disintegration of public services and dyspnea of public action, the public service aspires to find the means of its ambitions. Its survival and therefore its scalability are at stake at the very heart of this vast movement of metamorphosis in the economy of public services. In order to tend towards this promised utility and to satisfy the general interest as a cleared end, outsourcing has no other alternative than marrying the spirit that inhabits the public service. Should we persist in wanting to spend more and at the wrong time or evolve and spend better and on time? Should needs be met by strengthening and improving the quality of public services or should we give free rein to “top-down” privatization? Should public authorities be made real leaders or real outsiders? The objective will therefore be to confront the economic and human dimensions, symbols of fair and equitable governance as well as to manage wisely with a view to continuous improvement and constant adjustments. In short, thinking beyond the state via interaction and interdependence, the most likely to push for interpenetration under order and light.

Keywords: Managerial science – Outsourcing – Public person – Public order – Contracting – Conceptualization – Public action – General interest – Constitutionnalization – Public service – Utility economy – Interdependence

Directeur de thèse : Hervé DE GAUDEMAR

Membres du jury :
- Mr DE GAUDEMAR Hervé, Directeur de thèse, Professeur des universités, Université Jean Moulin Lyon 3,
- Mme CROUZATIER-DURAND Florence, Rapporteure, Professeure des Universités, Université Côte d'Azur, Nice,
- Mr ESPLUGAS Pierre, Rapporteur, Professeur des universités, Université Toulouse 1 Capitole,
- Mr KALFLECHE Grégory, Professeur des universités, Université Toulouse 1 Capitole,
- Mme MARLIAC Claire, Maître de conférence habilitée à diriger des recherches, Université Clermont Auvergne, Clermont-Ferrand.

Président du jury :  Grégory KALFLECHE