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ROUX ROSIER Anahid

Cultiver l'autonomie relationnelle : enquête philosophique de terrain sur les pratiques de la permaculture en France

Publié le 19 mai 2023 Mis à jour le 4 septembre 2023

Thèse en Philosophie, soutenue le 28 avril 2023.

En tant qu’ensemble de pratiques culturelles et symboliques, l’agriculture questionne la façon dont les idéaux de prospérité morale et politique d’un côté, et les postures domesticatoires de l’autre, se lient et façonnent l’exercice individuel et collectif de l’autonomie. La permaculture, communément associée au mouvement agroécologique et considérée comme un répertoire d’imaginaires éco-sociaux utopiques, constitue un cas d’observation idéal de la manière dont cette union prend forme et s’exerce. En tant qu’organisation agricole, la permaculture se situe en effet au carrefour des structures sociales et techniques d’appropriation de la nature et, en tant que mouvement social, elle se présente explicitement comme un mouvement alternatif dont la pratique vise à soutenir l’autonomie individuelle et collective. Le principal but de cette étude consiste à examiner, en prenant en compte les témoignages et observation recueillis sur le terrain, la manière dont la permaculture, comme posture domesticatoire et variation d’imaginaires éco-sociaux, configure l’exercice de l’autonomie personnelle et collective.
La première partie de ce travail expose le pluralisme historique et anthropologique des postures domesticatoires en les mettant en perspective de la crise écologique contemporaine à laquelle l’agriculture est confrontée. La deuxième partie s’attache, à partir de ce contexte pluraliste, à rendre compte de l’émergence de la permaculture, à la fois comme posture domesticatoire et comme ensemble d’imaginaires éco-sociaux dédiés à l’organisation de relations multi-spécifiques. La troisième partie clarifie l’approche méthodologique de ce travail en caractérisant les enjeux qu’implique l’assimilation de la permaculture à une communauté philosophique et de la philosophie permacole à un mode de vie, ainsi que, plus largement, en envisageant les retombées méthodologiques qu’une philosophie de terrain suppose. Enfin, la dernière partie retrace la manière dont la permaculture articule effectivement posture domesticatoire et engagement moral en développant une approche relationnelle de l’autonomie.
travers cette enquête, nous montrons que la permaculture est un mode de vie philosophique visant à mener une vie écologiquement bonne où la bonté s’exprime en termes moraux (une vie juste) et matériels (une vie heureuse). A cet égard, nous montrons que la difficulté de mener cette « vie bonne » tient principalement au fait que la quête d’autonomie de la permaculture repose sur une reconfiguration de l’engagement personnel à la nature qui se heurte à un mode de vie et à un imaginaire éco-social dominant restreignant sa matérialisation. L’autonomie relationnelle telle que la permaculture l’envisage prend alors l’allure d’une stratégie de contournement de ces restrictions visant à permettre l’exercice de l’autonomie individuelle et collective ainsi que la mise en place de communautés de vie écologiquement « bonnes ».
En mettant en lumière la manière dont toute posture domesticatoire prend appui sur une posture morale, ce travail contribue aux discussions relatives à la question du « bon » usage de la nature, ainsi qu’aux débats relatifs à la manière dont les imaginaires environnementaux nourrissent des modes de vie particuliers. En s’ancrant dans la notion d’autonomie à travers une étude de terrain, ce travail contribue également aux discussions relatives à la notion émergente de philosophie de terrain, renouvelant par là-même le regard porté sur la notion de « pratique philosophique », ainsi que sur l’engagement dans un mode de vie philosophique et la recherche de vie bonne. Enfin, ce travail contribue aux discussions relatives à la notion d’autonomie relationnelle, en montrant la manière dont cette forme d’autonomie émerge et se maintient.

Mots-clés : Agriculture, domestication, posture domesticatoire, permaculture, autonomie morale, autonomie relationnelle, philosophie de terrain, communauté philosophique, ethnographie, vie bonne, mode de vie philosophique, imaginaires éco-sociaux.

As a set of cultural and symbolic practices, the agriculture questions the way in which the ideals of moral and political prosperity on the one hand and the domesticating postures on the other hand are linked and shape the individual and collective exercise of autonomy. Permaculture, commonly associated with the agroecological movement, is considered as a repertoire of utopian eco-social imaginaries. It constitutes an ideal case to better understand such a union. As an agricultural organization, permaculture is indeed located at the crossroads of social and technical structures allowing nature appropriation and, as a social movement, permaculture presents itself as an alternative movement whose practice aims at supporting individual and collective autonomy. The main purpose of this study is to better understand, based on a fieldwork, the way in which permaculture, as a domesticating posture and variation of imaginaries, shapes the exercise of personal and collective autonomy.
This study begins in highlighting the historical and anthropological pluralism of domesticating postures, linking them with the contemporary ecological crisis agriculture is confronted to (part 1). Part 2 uses this pluralistic context as a base to unfold the historical context of permaculture emergence defined both as a domesticating posture and as an environmental imaginary dedicated to the organization of multi-specific relationships. Part 3 clarifies the methodological approach of this study by characterizing the issues involved in 1) the assimilation of permaculture to a philosophical community and of permaculture philosophy to a way of life, as well as, more broadly, 2) the methodological consequences ignited by a field-philosophy approach. Finally, part 4 shows how permaculture effectively articulates, in the field, a domesticating posture and the exercise of autonomy, developing a relational approach of autonomy.
We show that permaculture is a way of life aiming at leading an ecologically good life, where goodness is expressed in moral terms (a right or just life) and material ones (a happy life). From that point, we show that the main obstacle to the aspiration of leading a "good life" derives from the quest for autonomy fostered by permaculture ideals. This quest, indeed, strives from the desire to shape a personal commitment to nature in accordance with personal values, while facing a dominant way of life and socio-cultural ecological imaginary which narrows the organizing of such a life. In this context, the relational autonomy fostered by permaculture is as a strategy aiming at outweighing such restrictions by providing a way to exercise individual and collective autonomy and the organization of life communities aspiring to be ecologically “good”.
Demonstrating how the moral aspect of domesticating postures fosters the material appropriation of nature, this study contributes to the literature about the “good” (bon) use of nature and highlights how environmental imaginaries nurture the organization of a way of life. Critically examining the notion of autonomy through an ethnographical fieldwork, this study contributes to flesh-out the emerging notion of field-philosophy. Based on the philosophical way of life and commitments such a site exposes, this study also contributes to discuss the individual and collective practice of philosophy itself. Finally, this study contributes to the literature about relational autonomy, showing how relational autonomy emerges and is sustained in permacultural organizations.

Keywords : TAgriculture, Permaculture, permanent agriculture, domesticating posture, domestication, moral autonomy, relational autonomy, field philosophy, philosophical community, ethnography, good life, philosophical way of life, eco-social imaginaries.

Directeur(trice) de thèse : Jean-Philippe PIERRON

Membres du jury :
Mr PIERRON Jean-Philippe, Directeur de thèse, Professeur des universités, Université de Bourgogne, Dijon,
Mme PEREZTS Mar, Rapporteure, Professeure habilitée à diriger des recherches, EM Lyon Business School, Ecully,
Mme RAÏD Layla, Rapporteure, Professeure des universités, Université de Picardie, Amiens,
Mr GAZI Islam, Professeur, Ecole de Management de Grenoble,
Mme LARRÈRE Catherine, Professeure des universités émérite, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne,
Mme MARIS Virginie, Directrice de recherche, CNRS Centre d'écologie fonctionnelle & évolutive, Montpellier.

Président(e) du jury : Catherine LARRÈRE