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ROUVIÈRE Sarah

La contribution des femmes à la résistance protestante du Désert vivarois (1685-1757)

Publié le 20 février 2023 Mis à jour le 28 mars 2023

Thèse en Sciences sociales, soutenue le 25 novembre 2022.

La Réforme protestante se diffuse rapidement en Vivarais. De nombreuses Églises s’y implantent pendant la deuxième moitié du xvie siècle. En 1685, beaucoup de paroisses de la province, essentiellement situées en Vivarais central, sont majoritairement protestantes. Lorsque l’exercice du culte protestant est interdit en France à la Révocation de l’Édit de Nantes, une grande majorité des fidèles se convertissent publiquement au catholicisme, mais conservent en secret leur foi protestante. Pendant cette période dite du Désert, ils résistent à la répression en assistant à des cultes clandestins. En Vivarais, les contributions à la résistance protestante sont non violentes et peuvent être divisées en trois catégories : le respect d’un mode de vie protestant, une aide spirituelle et une assistance logistique.
Dans un premier temps, la résistance en Vivarais prend la forme d’initiatives locales, organisées spontanément par les fidèles : c’est le Désert spontané. Privés de pasteurs, les fidèles ne peuvent mener un véritable mode de vie protestant. Hommes et femmes refusent toutefois les sacrements et autres pratiques qui rythment la vie des catholiques. Spirituellement, les femmes peuvent exercer leur autorité dans la communauté autant que les hommes : l’apparition du prophétisme leur permet de prêcher, au même titre que les prédicateurs masculins, lors de cultes publics. Néanmoins, tous les protestants n’adhèrent pas au prophétisme, qui séduit surtout les classes populaires. Les fidèles issus des classes les plus aisées se contentent de cultes domestiques. Par son caractère local, la résistance nécessite peu d’assistance logistique hormis l’hébergement de cultes et de prédicateurs, auquel hommes et femmes peuvent contribuer également.
À partir de 1721, la résistance adhère au mouvement de restauration des Églises du Désert, déjà amorcé en Cévennes et dans le Dauphiné : elle s’institutionnalise et se soumet à une Discipline qui régit la vie spirituelle des protestants. Des pasteurs, formés en Suisse, encadrent désormais la communauté. Les fidèles peuvent ainsi suivre un mode de vie protestant. Le passage au Désert discipliné marque néanmoins une véritable rupture quant aux opportunités de contributions féminines. La Discipline interdit aux femmes toute fonction publique d’autorité spirituelle, y compris la prédication ; elles ne peuvent donc apporter une aide spirituelle que depuis la sphère privée. Le réseau de résistance s’établit à l’échelle de la province et est connecté aux autres régions et à la Suisse. Il ne peut fonctionner sans le précieux soutien logistique des fidèles aux pasteurs du Vivarais, dans la province ou depuis la Suisse. Ils s’occupent notamment de les héberger, leur transférer leurs pensions ou recevoir et transmettre leur correspondance. Pour l’assistance logistique, le genre est instrumentalisé pour permettre au mieux la clandestinité : certaines fonctions ne sont autorisées qu’aux femmes, d’autres uniquement aux hommes afin de minimiser les risques d’être surpris par les autorités. Pendant le Désert discipliné, des femmes contribuent de manière très importante à la résistance. Cependant, les rôles qu’elles occupent ne semblent accessibles qu’à des personnes issues de milieux aisés et faisant partie du cercle intime des pasteurs.
En 1757, un accord de tolérance de fait est conclu avec les autorités du Languedoc (dont fait partie le Vivarais), sans changer la loi. Néanmoins, il met néanmoins fin à la clandestinité des Églises protestantes de la province.

Mots clés : Religion, protestantisme, genre, femmes, résistance, répression.
 

The Protestant Reformation spread rapidly through the Vivarais province, where numerous churches were established in the second half of the sixteenth century. In 1685, many parishes, mostly located in central Vivarais, are mainly Protestant. When the Revocation of the Edict of Nantes bans Protestantism in the Kingdom of France, most Huguenots publicly convert to Roman Catholicism, while keeping a Protestant faith in secret. Until the end of this “Desert” period, they resist against the repression by attending secret worship services. In the Vivarais region, contributions to the Protestant resistance are non-violent and can be divided into three categories: respecting a Protestant way of life, helping spiritually and providing logistical assistance.

                At first, the Vivarais resistance consists mainly of local actions, spontaneously arranged by the faithful: this time period is called the “Désert spontané” (Spontaneous Desert). Without pastors, the faithful cannot lead a truly Protestant way of life. Instead, they refuse to submit to sacraments and other rituals which punctuate the lives of Catholics. Spiritually, women can exercise as much authority as the men within the community: the eruption of prophetism in the province enables them to preach, in the same way as men, during public services. Nevertheless, not all Protestants approve of prophetism, which mainly spreads through the lower classes. The upper classes prefer domestic worship services. Due to its local nature, the resistance requires little logistical assistance, except to host clandestine worship services and preachers, to which men and women can equally contribute.

                From 1721 onwards, the resistance joins the restoration of the Desert Churches, already begun in the Cévennes and Dauphiné regions: in doing so, it becomes an institutionnalised movement and submits to the Discipline, which regulates the spiritual life of the Protestants. Pastors, trained in Switzerland, now supervise the community. The faithful are able to lead a Protestant way of life. The transition to the “Désert discipliné” (Disciplined Desert) drastically changes women’s opportunities to contribute to the resistance. The Discipline prevents women from preaching or holding public positions of spiritual authority; they may thus only provide spiritual guidance from the private sphere. The resistance network, now established across the province, is connected to those of other regions, as well as Switzerland. It cannot function without the faithful’s practical help to the Vivarais pastors, in the province or in Switzerland. Among other things, they host them, transfer their wages and receive or forward their correspondence. This logistical assistance instrumentalises gender to minimise the risk of being compromised. During the “Désert discipliné”, some women greatly contribute to the resistance. Nevertheless, the roles they play are only accessible to Protestants with a good social status who are a part of the pastors’ inner circle.

In 1757, the Protestants and the authorities of the Languedoc region (which includes the Vivarais province) reach an informal agreement, which does not change the law but puts an end to most aspects of the repression. The Vivarais Churches do not have to operate clandestinely anymore.

Keywords : Religion, Protestantism, gender, women, resistance, repression.

Directeur de thèse : Yves KRUMENACKER

Membres du jury :
- M. KRUMENACKER Yves, Directeur de thèse, Professeur des universités émérite, Université Jean Moulin Lyon 3,
- M. BOISSON Didier, Rapporteur, Professeur des universités, Université d’Angers,
- Mme BORELLO Céline, Rapporteure, Professeure des universités, Université du Maine, le Mans,
- M. MENTZER Raymond, Professeur des universités, University of Iowa, Iowa city, USA
- Mme SOLFAROLI CAMILLOCCI Daniela, Professeure associée, Université de Genève, Suisse,
- Mme WHELAN Ruth, Professeure des Universités, Maynooth University, Irlande.

Président du jury : Didier BOISSON