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REQUEDAT Nicolas Marie Antoine
La réception scolaire d'Athalie de Jean Racine en France de sa rédaction à 1981: vie et mort d'un classique
Publié le 8 juillet 2024 – Mis à jour le 8 juillet 2024
Thèse en Lettres, soutenue le 18 décembre 2023.
La dernière tragédie de Racine est un classique oublié. C’est de cet étonnement premier que naît notre travail. Ou plutôt de l’écart entre l’extraordinaire fortune scolaire de cette œuvre et la radicalité de son oubli. Athalie est en effet un cas à part du fait de la longévité de sa présence dans l’enseignement secondaire et de la place cruciale qu’elle occupe dans les programmes et les manuels scolaires au long du XIXe siècle. Ainsi, si l’on se situe dans les décennies où Athalie disparaît des salles de classe, elle fait partie des pièces françaises présentes dans les écoles depuis le plus longtemps, grâce notamment aux mises en scène scolaires du XVIIIe siècle qui lui ont donné une vie à l’école avant même que des textes en langue française n’aient fait leur entrée dans des programmes nationaux. Plus qu’une simple anecdote, la réception singulière d’Athalie en fait un cas limite qui nous permet de nous interroger sur les mécanismes de constitution d’une œuvre théâtrale en classique scolaire, de sa transmission entre autres en tant qu’élément de patrimoine et de sa disparition des circuits éducatifs. C’est l’objet de cette étude historique et littéraire sur le temps long – près de trois siècles – qui nous mène à enquêter sur les traces d’une pièce qui, par les différentes modalités de transmission qu’elle a connues, offre une importante diversité de documents à inspecter. Des programmes de représentations de théâtre scolaire aux mémoires de jeunesse, en passant par les cahiers d’élèves et les manuels édités, la diversité du corpus que nous étudions ici témoigne de la grande variété de formes qu’a pu endosser la réception scolaire d’Athalie en France. Ainsi, la première partie de ce travail, se concentre sur la période où Athalie est encore dans le giron saint-cyrien de 1690 à 1713 et sur son émancipation sur les scènes des collèges et dans les cours de rhétorique et de grammaire de ces mêmes établissements jusqu’en 1803. La première période de cette partie, dans le faux huis-clos de la Maison Royale de Saint-Louis, donne à voir le rôle problématique de la nature théâtrale d’Athalie, à la fois facilitatrice et obstacle tout au long de sa transmission. L’étude s’intéresse ensuite, sur une période qui couvre la majeure partie du XVIIIe siècle, à la réception scolaire de la pièce dans des espaces masculins. Au fil du siècle, la dernière tragédie de Racine conquiert une place dans les collèges et les institutions éducatives par le biais des représentations scolaires, alors même que le français comme matière n’existe pas et que l’étude des textes en langue française est surtout réservée aux traductions d’auteurs classiques. La deuxième partie de ce travail s’intéresse à la période qui court de 1803 à 1980. C’est à la fois celle de la consécration d’Athalie comme classique scolaire et de son oubli. Au XIXe siècle, la pièce entre dans les programmes et y occupe une place centrale. Pour ce premier moment, notre étude s’emploie à déterminer les grandes dynamiques de consécration de la pièce dans une profusion de sources institutionnelles – programmes, catalogues, rapports – qui contraste largement avec ce que fournissait le XVIIIe siècle. Enfin, la dernière période se concentre sur les dernières décennies pour s’interroger sur l’effacement de la pièce entre 1880 et 1980 en s’attachant notamment à mesure la portée des deux crises de l’éducation décrites, notamment, par Martine Jey et Isabelle de Peretti. Dans cette dernière période, les politiques éducatives générales, qui conduisent in fine à la féminisation, et plus largement à la massification de l’enseignement secondaire, ont un effet aussi important sur la transmission d’Athalie que les programmes scolaires et leurs instructions pédagogiques. Les questions relatives à la structure de l’école y sont donc traitées à jeu égal avec celles concernant l’enseignement de la littérature française, toujours dans la perspective de la réception de la dernière tragédie de Racine.
Mots-clés : Formation des canons ; Classicisation ; Éducation féminine ; Manuels scolaires ; Rhétorique ; Enseignement Histoire ; Saint-Cyr ; Littérature française 17e siècle
Racine's last tragedy is a forgotten classic our work was born out of this initial astonishment. Or rather it was born out of witnessing the gap between the extraordinary scholarly of this work and the radical nature of its oblivion. Athalie is in fact a special case because of the longevity of its presence in secondary education and the crucial place it occupies in school curricula and textbooks throughout the nineteenth century. If we look at the decades when Athalie disappeared from the classroom, it is one of the French plays that has been present in schools for the longest time. French plays have been performed in schools for a long, in particular due to the school productions of the eighteenth century, which brought even before French-language texts were included in national curricula. More than just an anecdote, Athalie's singular reception makes it a borderline case that allows us to question the mechanisms by which a theatrical work can be considered a school classic, how it is passed on as part of our heritage and how it disappears from educational circuits. This is the purpose of this long-term historical and literary study - spanning almost three centuries - which will lead us to investigate the traces of a play which, through the different ways in which it has been transmitted, offers a wide range of documents to inspect. From programmes of school theatre performances to youth memoirs, pupils' notebooks and published textbooks, the diversity of the corpus we are studying here testifies to the wide variety of forms that the school reception of Athalie may have taken in France. Thus, the first part of this work focuses on the period when Athalie was still in the bosom of Saint-Cyrien from 1690 to 1713 and on its emancipation on the stages of colleges and in the rhetoric and grammar classes of these same establishments until 1803. The first part of this section, set in the faux huis-clos of the Maison Royale de Saint-Louis, vividly illustrates the problematic role of Athalie's theatrical nature, which both facilitated and hindered its transmission. Over a period spanning most of the eighteenth century, the study then looks at the play's reception in male schools. Over the course of the century, Racine's last tragedy gained a place in colleges and educational institutions through school performances, even though French as a subject did not exist and the study of texts in French was mainly reserved for translations of classical authors. The second part of our study will focus on the period from 1803 to 1980. This was the period when Athalie was both consecrated as a school classic and forgotten. In the 19th century, the play became part of the curriculum and took centre stage. For this first period, our work sets out to determine the major dynamics of the play's consecration in a profusion of institutional sources - programmes, catalogues, reports - which contrasts sharply with what was available in the eighteenth century. Finally, the last period focuses on the last few decades, examining the disappearance of the play between 1880 and 1980, with particular emphasis on measuring the impact of the two education crises. In the latter period, general education policies, which ultimately led to the feminisation and, more broadly, the massification of secondary education, had as great an effect on the transmission of Athalie as the school curricula and their pedagogical instructions. Questions relating to the structure of the school are therefore treated on an equal footing with those concerning the teaching of French literature, always from the perspective of the reception of Racine's last tragedy.
Keywords: Classics building ; Classicisation ; Women's education ; Textbooks ; Rhetoric ; History teaching ; Saint-Cyr ; 17th century French literature
Directeur de thèse : Olivier LEPLATRE
Membres du jury :
- - M. LEPLATRE Olivier, Directeur de thèse, Professeur des universités, Université Jean Moulin Lyon 3,
- Mme DENIZOT Nathalie, Rapporteure, Professeure des universités, Sorbonne Université, L'Institut National du Professorat et de l'Education Paris,
- Mme REGENT SUSINI Anne, Rapporteure, Professeure des universités, Université Sorbonne Nouvelle,
- Mme FERRIER Béatrice, Professeure des universités, Université de Lille,
- Mme PERRET Laetitia, Maître de conférences, Université de Poitiers,
- M. ZEKIAN Stéphane, Chargé de recherche habilité à diriger des recherches, CNRS Institut d'histoire des représentations et des idées dans la modernité, Lyon.
Président du jury : Béatrice FERRIER
Documentation
Mise à jour : 8 juillet 2024