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Regards croisés sur la médecine. Image, Imagerie, Imaginaire

Publié le 26 novembre 2007 Mis à jour le 21 février 2008

Le colloque "Regards croisés sur la Médecine. Image, Imagerie, Imaginaire" s'est tenu à Paris les 5, 6 et 7 juillet 2007.

Le caractère original du thème du séminaire organisé par Hugues ROUSSET (Professeur, médecine interne Lyon Sud) et Jean-Jacques WUNENBURGER (Université Jean Moulin Lyon 3) explique le très vif intérêt des participants.
L'imaginaire fut longtemps délaissé par la réflexion intellectuelle dans nos pays rationalistes et  fuyant la subjectivité. Cependant on connaît les travaux d'Ernst Cassirer. Et, en France, ceux de Gaston Bachelard, et, à partir des années 60, de Gilbert Durand, personnage un peu périphérique par rapport à la pensée dominante/politiquement correcte - voire pensée unique - de certains universitaires qui considéraient le mythe comme une pensée pré philosophique. Pour faire court, l'establishment universitaire clamait que tout ce qui n'était pas rationnel et objectif pouvait nourrir, et éventuellement déformer, des mythologies et des idéologies, et pouvait favoriser des « comportements  irrationnels » qui - cela n'est pas discutable - avaient fait surgir le chaos, les guerres, les génocides et la tyrannie en Europe  pendant les cinquante années qui suivirent 1933. La  réflexion de Bachelard et Durand est reprise par d'autres dont Wunenburger. Le mur de Berlin est tombé. Les neurosciences pointent le renouveau de l'émotion, sans laquelle la raison déraisonne. On attribue à l'émotion un rôle majeur dans la pensée, l'intentionnalité et la décision, en particulier dans la décision éthique. En réalité c'est toute la subjectivité qui devient fréquentable. Elle devient aussi plus aisément étudiable grâce à la technologie, en particulier l'imagerie cérébrale fonctionnelle. L'imaginaire est un des vastes domaines de la subjectivité. Le séminaire a amené beaucoup d'informations et de réflexions sur l'image et l'imaginaire. 1/ Des changements socio-culturels inouïs ont accompagné ce retour de l'irrationnel : ils se sont produits en tout juste quelques décennies :
  • Société de l'image, du film, de la télévision. Image sans pensée n'est guère que ruine de l'âme. Trop d'image tue l'image
  • Société de la technologie de l'information, de l'imagerie computérisée (en particulier IRM fonctionnelle cérébrale), des prothèses ,des hybrides / cyborg
  • Société de l'augmentation du savoir, de l'individualisme
  • Société désenchantée
  • Crise des représentations
    2/ On peut identifier un besoin d'approches non rationnelles. Faut-il encourager, accepter ou étrangler le mèliorisme ? le transhumanisme ? Commençons par savoir ce qu'est l'homme, ce qu'est une personne, puis s'accorder sur ce qu'ils devraient être. Comment changer "raisonnablement'' ce que l'on ne connaît pas ! Le faire serait aller du brouillard vers l'obscurité totale. Certes nous connaissons de mieux en mieux l'homme objectif, biologique ; mais l'étude de l'homme subjectif reste à développer . Quelle médecine ? quel degré d'hypermédicalisation de problèmes sociaux ? quel degré de démédicalisation ? quelle santé ? et même, ultimement, la question politique « dans quelle société voulons nous vivre ? » Comment répondre si on ne sait pas vraiment ce qu'est un homme ! Avant de répondre commençons par poursuivre les recherches en cours, par tenter de répondre à la question : « qu'est ce que l'homme ? ». L'engouement actuel pour le thème du corps témoigne de cette demande de mieux connaître l'homme. Mais donner à l'imaginaire, l'irrationnel, le subjectif une place qu'ils méritent ne doit nullement conduire à remettre en cause la raison et l'apport des Lumières. 3/  Méthodes : Poursuivre les recherches en cours, en particulier celles débutées par ce séminaire, certes. Mais aussi réaliser un inventaire, délimiter des définitions acceptables et acceptées des mots/concepts polysémiques utilisés dans le domaine traité lors du séminaire. Le domaine du subjectif pourra enfin, non seulement être pris au sérieux par les chercheurs en sciences diverses, notamment humaines, mais être étudié plus efficacement
  • Pensée non verbale, Emotion, voir (un paysage, une œuvre d'art) ;
  • Représentations en crise  : scoop, zapping, dictature du chronomètre d'où un affaissement des représentations, ce qui met le nez dans le guidon et sape les effets bénéfiques de la mise à distance ;
  • Symboles : désymbolisation dans divers domaines de la loi (filiation, famille), de la langue, des institutions ;
  • Image exaltée (tout est symbolique) ou humilée (la folle du logis de Malebranche)
  • Imaginaire : - statique telles les « grandes images » de Bachelard, grammaire et hormones de l'imagination qui "cristallisent  voire fossilisent l'identité et sédimentent'' dans la conscience collective - dynamique "ressources qu'on peut convoquer pour se comprendre et appréhender la réalité, c'est-à-dire la souffrance et la mort"
  • Mythes une des « ruses » , des expressions majeures de l'imaginaire
  • Spiritualités au sens large
      Le domaine du subjectif et de l'imaginaire a des liens avec les domaines de l'utopie qui peut réenchanter et mobiliser, de l'idéologie qui peut être triomphante mais aussi dangereuse, de la science fiction qui peut avoir une valeur heuristique. 4/ Intérêt des apports du séminaire pour la médecine : Beaucoup des données du séminaire sont potentiellement utiles pour la  prise en charge bio-psycho-sociale des patients :
  • Transferts culturels rendus possibles par les invariants culturels que sont certains symboles et certains mythes
  • Médecine moderne traversée par utopies, idéologies
  • Médecines parallèles, autres qu'"evidence based'' : elles répondent aux malades qui attendent la capacités de magie du bon médecin, qui recherchent une culture du toucher chez l'ostéopathe
  • Handicap : désubjectivation de l'hybride, du cyborg, contre laquelle il faut lutter
  • Anorexies : le corps alimentaire est la voie privilégiée par laquelle la société agit sur le corps (discours diététique, discours esthétique, formes que prend le biopouvoir). Le gros est abruti alors que le mince est agile physiquement et intellectuellement : la minceur est un atout pour l'intégration sociale
  • Etats de souffrance type fibromyalgie et ex maladies psychosomatiques pour les quelles Hugues Rousset nous propose une conception de mal être / souffrance ontologique, existentielle.