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Portrait d'entrepreneur : Valentin Duthion, Le Regard Français

Publié le 4 novembre 2021 Mis à jour le 3 janvier 2023
Le Regard français

À 28 ans, Valentin Duthion est l'un des trois membres fondateurs du Regard Français, une marque solidaire de vêtements. Ils ont été accompagnés en 2020 et 2021 dans les programmes #START et #UP de l'Incubateur Manufactory Sans Souci porté par l’Université. Autodidacte en matière d'entrepreneuriat, il nous parle de sa vision engagée, de ses erreurs, de son aventure entrepreneuriale ! Rencontre.



Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

On a fondé l’entreprise avec Kévin, il y a un peu plus d’un an et demi. On s’est rencontrés il y a dix ans en séjour adapté pour adultes handicapés, j’étais en vacances et il était animateur. Ensuite on a animé ces séjours, on les a dirigés, on a habité ensemble, voyagé ensemble ! À la fin de nos études on voulait faire quelque chose qui avait du sens pour nous. Le handicap faisait écho avec nos expériences, on voulait sensibiliser sur le sujet, avoir un discours plus positif. On s’est demandé comment faire ça et on a choisi de créer Le Regard Français.
À l’origine on n’est pas du tout du monde de l’entrepreneuriat, ni du monde du textile, ni du marketing, rien de tout ce qu’on fait aujourd’hui.
Moi j’ai fait un Master de recherche de physiologie et pathologie musculaire à l'université Lyon 1, dont le principal débouché est la thèse. En fin d’études, j’ai intégré la filière ingénieur entreprendre à l’Insa et ça m’a donné envie de changer. 
Kévin, lui, a fait un Master de management des établissements de santé et établissements médico-sociaux et Alex qui a rejoint l'aventure plus récemment, a une formation axée entrepreneuriat avec un Master création d’entreprise.

Le Regard français
Alex VURPILLAT, Valentin DUTHION et Kévin ROBERT.

Le Regard Français en quelques mots ?

Le Regard français est une marque solidaire de vêtements. Le vêtement c’est un bel outil pour parler de plein de choses. Tout le monde s’habille et ça permet de faire passer des messages. Aussi, il y a beaucoup de compétences et de savoir-faire dans l’économie sociale et solidaire : ce sont les entreprises adaptées et les ESAT (Établissement et service d'aide par le travail) qui emploient des personnes en situation de handicap pour les former, leur apprendre un métier, les faire monter en compétences tout en adaptant différentes choses comme le temps de travail. On a 6 partenaires dans les ESAT. L’avantage de cette économie c’est qu’il y a 2 200 acteurs répartis dans toute la France pour 150 000 travailleurs, donc les possibilités sont infinies. On veut ouvrir la voie aux autres car il y a de la place pour tout le monde.
 

Comment vous êtes-vous lancés dans l’entrepreneuriat ?

Comme on est autodidactes, on s’est vite entourés, on a eu beaucoup de chance. On est allés à Beelys (le pôle PEPITE, pour Pôle Étudiant Pour l'Innovation le Transfert et l'Entrepreneuriat, de Lyon Saint-Étienne) et on a eu la chance d’avoir Pierre Poizat et Thimotée Saumet en accompagnateurs, ce qui nous a permis d’entrer rapidement dans l’écosystème. Ensuite on est entrés à l'Incubateur Manufactory. 
On n’appréhende pas du tout l’oral et on aime beaucoup rencontrer les gens. C’est ce qui nous a formés au démarrage.
Notre vision c’est qu’à terme, on ait une équipe sous notre responsabilité et il faut qu’on puisse discuter, ou au moins comprendre. On n’a pas besoin d’être excellents, mais il faut qu’on connaisse tout, tout le temps. Que ce soit pour l’acquisition payante avec des pubs, le site Internet, les emailings… il faut qu’on ait toutes les bases.

Que vous a apporté l’accompagnement à l'Incubateur Manufactory Sans Souci de l'Université ?

L’incubateur c’est indispensable. Dans l’entrepreneuriat, les erreurs c’est tant mieux, il faut en faire, beaucoup même, il faut juste ne pas faire deux fois la même ! Pour ça l’incubateur nous aide beaucoup. Il y a vraiment une posture entrepreneuriale, une logique, une démarche à avoir. C’est très dur au départ car cela n’a rien à voir avec le monde scolaire, où c’est par cœur, c’est oui ou non, c’est vrai ou faux, c’est bête et méchant. L’entrepreneuriat, c’est un équilibre de tout ça. Pour le comprendre il faut être accompagné. 
En plus du volet accompagnement, il y a vraiment des ateliers pertinents. Le juridique par exemple, on n’en parle pas tous les jours dans la création d’entreprise, pourtant c’est ultra-important d’avoir des bases. Il y a plein de thématiques qu’on n'anticiperait pas forcément.
L’incubateur prévoit un fil rouge avec un timing, une chronologie : « ces problèmes vont vous arriver donc on anticipe en vous formant ».

Les échanges avec les autres incubés sont-ils aussi source d'apprentissage ?

Oui on a été dans plusieurs incubateurs et Manufactory c’est le seul où il y a cet esprit de famille. C’est un peu la recette miracle, ce qui fait que ça marche ! Il y a beaucoup d’entraide, de moments informels où chacun partage ses problématiques. Nous on est du monde de la mode, d’autres sont du digital et parfois, pourtant, on a des choses en commun.
 

 
Le Regard français
Qu'est ce qui vous anime, l’entrepreneuriat ou la cause ?

On s’est dit qu’on voulait faire quelque chose qui avait du sens pour nous. À terme, à l’instar du Slip français qui a ouvert la voie du fait en France, on veut montrer qu’on peut fonctionner avec l’économie sociale. Cela demande des adaptations mais la qualité à la fin, c’est la même. On veut être les leaders de cette fabrication et surtout permettre à chacun de s’engager dans une fabrication plus solidaire, qui a du sens. On espère pouvoir proposer aux gens, de la tête aux pieds, des vêtements français fabriqués en entreprise adaptée.

On parle beaucoup de la "start-up nation" en ce moment, comment vous situez-vous face à ce phénomène ?

On a la chance ou la malchance je ne sais pas, de ne pas faire partie de la "start-up nation". Comme on ne connaissait pas du tout ce monde-là, on a juste une vision. On veut, à terme, avoir un impact social sur des milliers de personnes, que ce soient des travailleurs en situation de handicap ou des gens qui ont envie d’avoir un vêtement qui a du sens. Peu importe ce qu’on fait, on n’est jamais trop dans cette idée de croissance, de rentabilité. 
On tord un peu la logique entrepreneuriale, dans laquelle plus tu fais de chiffre d’affaire plus tu peux proposer de choses aux gens. On est persuadés que plus on aura un impact social, beaucoup de valeur ajoutée et une très belle proposition de valeur, plus on aura de chiffre d’affaire.

Comment se sent-on au quotidien en tant qu’entrepreneur ?

Effectivement, c’est tout le temps des hauts et des bas. Quand on trace une courbe sur l’année et qu’on lisse tout ça, c’est une super année, on a passé des bons moments. Mais il y a beaucoup de mauvais moments et de bons moments. Au départ d’ailleurs on ne fête pas trop les bons moments, et par contre on est très affectés par les mauvais moments. Il faut vite arriver à corriger et donner la même valeur absolue aux victoires et aux échecs. C’est une phrase un peu bateau mais il n’y a pas vraiment d’échec dans le sens où ça nous apprend toujours quelque chose. Par exemple, on a eu un échec sur notre campagne de crowdfunding ; on pensait vendre 100 t-shirts en 24 voire 48 heures et ça nous a pris finalement toute la campagne. Mais ça nous a appris plein de choses pour avancer : qu’on avait mal préparé, que notre message n’était pas le bon. Sur le moment c’est un échec mais quand on prend de la hauteur une semaine après, on en tire des leçons et ça fait avancer.

Un conseil pour quelqu’un qui hésite à se lancer ?

On a toujours peur de ne pas avoir une assez bonne idée. Je vais répéter ce qu’on nous a dit au début et qu’on ne croyait pas : l’idée on s’en moque un peu, c’est vraiment les valeurs qu’on met derrière, il faut tester. On avait un peu le syndrome du Petit Poucet, on pensait que notre projet n’était pas assez bien donc on a voulu que nos produits soient écoresponsables, faits en France, solidaires… On a voulu ajouter plein de choses, et il faudrait une équipe de 20 personnes pour arriver à faire ça. Il faut faire étape par étape, tester vite. On imagine tout de suite le truc parfait mais en fait il faut faire. Mais ça pareil, on nous l’a répété mille fois, marche après marche, et on ne s’en est pas rendus compte, tant qu’on ne s’y est pas confrontés. Il faut quand même laisser faire les erreurs, il ne faut pas avoir peur de se lancer ! Le phénomène du Petit Poucet, c’est catastrophique, on reste dans son coin car on ne sera jamais meilleur que les autres. Mais il ne faut pas être meilleur que les autres il faut juste plaire à 100 premières personnes, puis on va plaire à 100 autres. On ne peut pas plaire à des millions de personnes tout de suite.

Pouvez-vous partager vos inspirations du moment ?

Au démarrage, on a adoré Guillaume Gibaud du Slip français. Son podcast « J’y vais mais j’ai peur », aide à prendre conscience que c’est normal d’avoir peur quand on se lance. On a beaucoup appris de lui car il aborde beaucoup de sujets dans ses vidéos et ensuite on a creusé à partir de ça. 

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Propos recueillis en juillet 2021 par Anne Clausse, Service de la communication.