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MAISONNAS Jean-Pierre

La formation historique de la déontologie de l’avocat en France entre la naissance des juridictions royales et la loi du 31 décembre 1971, voix du prince ou libéralisme ?

Publié le 16 juillet 2020 Mis à jour le 10 septembre 2020

Thèse en Droit, soutenue le 9 juin 2019.

La déontologie des avocats émane-t-elle d’eux à raison des nécessités de l’exercice ou des autorités politiques parce qu’elle touche une tâche régalienne ? La France a peu hésité. S’inspirant notamment de THEODOSE puis JUSTINIEN, empruntant aux carolingiens et à la chevalerie une morale religieuse, les rois à compter de Saint LOUIS ont légiféré d’autant que la naissance des juridictions royales à la fin du XIIIème siècle stabilise le rôle et le titre de l’avocat. Les coutumes et les « stiles » complètent ce dispositif. Ces principes (loyauté, indépendance, respect) se transformeront au cours des époques en « usages ». Tant que l’avocat est un membre de l’institution judiciaire ayant vocation d’en devenir un cadre la déontologie reposait sur un consensus. La vénalité des charges lui ôtant cette promotion, le transforme en simple « auxiliaire », rétif aux injonctions au point de fomenter d’improbables grèves. Imprégné de la grandeur fantasmée de ses ancêtres antiques il préfère consolider son rang social (noblesse, préséance). A partir de LOUIS XIV la déontologie se fige. La Révolution balaie cet héritage multiséculaire. Pressés par les concepts de liberté et de gratuité les constituants, majoritairement avocats, suppriment la profession et les Parlements honnis. Des « défenseurs officieux », souvent sans foi ni loi, se substituent aux avocats. La déontologie disparut pendant vingt ans. Rétablis avec réticence par NAPOLEON, ces « factieux » lutteront tout le XIXème contre l’Etat pour la maîtrise des « usages » fragilisant un peu plus ceux-ci déjà traversés par les courants sociétaux (émancipation, nationalité). Le décret de 1920 régla cette situation qui faillit engloutir les Ordres. Jamais plus jusqu’en 1971 les avocats ne participeront à la définition de leurs règles. Tout au plus une association (ANA) fera avec succès des propositions. Les guerres illustrèrent le pouvoir d’intervention du Prince dans la déontologie en la suspendant, l’aménageant en profondeur (interdiction des juifs) ou en créant des institutions pérennes (CAPA). La France Libre conserva de Vichy tout ce qui ne heurtait pas des principes fondamentaux. Les années 54/57 introduisirent des modifications libérales (droit de manier des fonds, de s’associer, de réclamer des honoraires impayés). Il est un endroit où l’Etat n’a pas renoncé à l’avocat fonctionnaire : l’outre-mer. L’Algérie mise à part, « prolongement naturel de la France », dans les autres pays sous domination française, dans un désordre total, sans cette unité rêvée, la France a, dans l’indifférence des Ordres, créé une paradéontologie évoquant vaguement l’avoué. En dépit d’une prolifération législative la France n’a pas plus réussi à imposer une déontologie universelle. Usant de procédés imaginatifs renouvelés, les gouverneurs ont, principe de réalisme oblige, tout inventé pour sauver un système notoirement défaillant jusqu’à l’inadmissible (interdiction de plaider pour les indigènes). Dans les années 1930/1936 la République se résolut à instaurer des « barreaux libres », grosso modo calqués sur ceux de métropole, tentative libérale sans lendemain à raison de la guerre puis des conflits de décolonisation. La Loi du 31 décembre 1971 en créant un « avoué plaidant » redouté par les caciques a initié une réforme profonde du rôle de l’avocat et posé ainsi les jalons d’une évolution ultérieure de la déontologie (institution d’une représentation nationale -CNB, octroi à celle-ci du pouvoir législatif en la matière). C’est néanmoins sans les avocats que fut publié le décret de déontologie en 2005. Une déontologie aussi linéaire s’explique par le souci pour le Prince d’assurer jusqu’à l’infini détail la perfection de sa mission de juger, une métaphysique du parfait. La marchandisation du droit, l’extension du domaine de l’avocat, l’industrialisation des acteurs contrarient cet objectif. La France tranchera-t-elle enfin ?

Is ethics of lawyers emanating from them because of the necessities of its exercise or from the political authorities because it touches a sovereign task? France has not hesitated. Inspired in particular by THEODOSIUS and JUSTINIAN, borrowing Carolingians and chivalry religious morals, kings from St. Louis have legislated especially as the birth of royal courts at the end of the thirteenth century stabilized the role and title of the lawyer. The customs and the "stiles" completed this device. These principles (loyalty, independence, respect) will change over time into "uses". As long as the lawyer is a member of the judicial institution with a vocation to become executive, the deontology was based on a consensus. The venality of the offices depriving him of this promotion, transforms him into a simple "auxiliary", wayward to the point of stirring unlikely strikes. Impregnated with the fantasized grandeur of his ancestors in the antiquity he prefers to consolidate his social rank (nobility, precedence). From LOUIS XIV the deontology (ethics) freezes. The Revolution sweeps away this multisecular heritage. Pressed by the concepts of freedom and gratuitousness, the constituents, mostly lawyers, suppress the profession and the parliaments that are being hated. "Unofficial defenders", often without faith or law, take the place of lawyers. Ethics disappeared for twenty years. Reluctantly reinstated by NAPOLEON, these "factious" struggle all the nineteenth against the state for the control of "uses" weakening them (already in butte to societal currents: emancipation, nationality) a little more. The decree of 1920 settled this situation, which almost engulfed the Orders. Never again until 1971 will lawyers participate in the definition of their rules. At most one association (ANA) will make successful proposals. The wars illustrated the Prince's power of intervention in deontology by suspending it, overhauling it (prohibiting Jews) or creating permanent institutions (CAPA). “France Libre” preserved from Vichy everything that did not conflict with fundamental principles. The years 54/57 introduced liberal modifications (the right to wield funds, to associate, to claim unpaid fees). It is a place where the state did not give up to make the lawyer a civil servant: overseas. Except for Algeria, a "natural extension of France", in other countries under french domination, in a total disorder, far from its dreamed unity, France has, in the indifference of the bar associations, created a paradeontology vaguely evoking the “avoué”. Despite a legislative abundance, France has no more succeeded in imposing a universal code of ethics. Using renewed imaginative processes, the governors have, as required by a principle of realism, all invented to save a notoriously failing system until the inadmissible (prohibition to plead for the natives). In the years 1930/1936 the Republic resolved to establish "free bars", roughly modeled on those of metropolis, a liberal attempt without a future because of the war and the conflicts of decolonization. The Law of December 31, 1971 creating a "pleading-solicitor" dreaded by the caciques initiated a profound reform of the role of the lawyer and laid the groundwork for a subsequent evolution of ethics (institution of a national representation -CNB granting it legislative power in this area). It was nevertheless without the lawyers that the decree of ethics was published in 2005. Such a linear deontology is explained by the concern for the Prince to ensure to the infinity detail the perfection of his mission to judge, a metaphysics of the perfect. The commodification of the law, the extension of the field of the lawyer, the industrialization of the actors contradict this objective. Will France finally decide ?

Mots-clés : Déontologie, déontology, droit romain, avocat, principes, usages, serment, loyauté, respect, morale, déontologie institutionnelle, déontologie matérielle, advocatus, honoraires, conventions d'honoraires, incompatibilités, juramentum calumpniae, conflit d'intérêts, modération, juste cause, indépendance, nationalité, concision, capitulaires, avocat-défendeur, conseil agréé, colonies et protectorats, gouverneur, avocats commissionnés, défenseurs officieux, soumission, avocat colonial, maitrise du tableau, batonnier, principe de gratuité, principe de réalisme, noblesse, préséance, CNB, loi du 31 décembre 1971, conseil de l'ordre, principe de liberté, Alsace Moselle, Alger, Pétain, Barreaux libres, avoue, paradéontologie, marché noir, pillage, dignité, probité, bonnes meurs, secret professionnel, confidentialité, désintéressement.

Keywords : Deontology, ethics, roman law, lawyers, principles, uses, oak, loyalty, respect, morality, institutionnal deontology, material deontology, advocatus, fees, honoraries agreements, quota litis, Incompatibilities, juramentum calumpniae, conflicts of interests, moderation, righteous cause, independance, nationality, concision, Capitularies, avocat-défenseur, agreed council, colonies and protectorates, governor, commissioned Lawyer, majestry of registration, capitularies, avocat-defenseur, agreed council, colonies and protectorates, governor, commissioned lawyers, unofficial lawyer, mastery of registration, chairman of the bar association, principle of gratuitousness, principe of realism, nobility, precedence, national council of the bars, december 1971 31 st act, council of lawyers, principle of freedom, Alsace-Moselle, algiers, Pétain, Free bar associations, solicitor, paradeontology, black market.


Directeur(trice) de thèse : Louis Augustin BARRIERE

Membres du jury :
- M. Louis Augustin BARRIERE, Directeur de thèse, Professeur des universités, Université Jean Moulin Lyon 3,
- M. Alexis MAGES,
Professeur des universités, Université de Bourgogne Franche Comté, Dijon,
- M. Amadou Abdoulaye DIOP, Maitre de conférences habilité à diriger des recherches, HSDSR, Université Cheikh Anta Diop Dakar, SENEGAL,
- M. Christian BRUSCHI, Professeur des universités émérite, Université Aix Marseille, Aix en Provence,
- Mme Catherine FILLON, Professeure des universités, Université Jean Moulin Lyon 3.


Président(e) du jury : Christian BRUSCHI