Le temps dans la poétique acméiste

Journée d'études internationale

Publié le 12 février 2009 Mis à jour le 15 février 2009

Une journée d'études internationale a eu lieu les 30 et 31 janvier 2009

La Journée d'études internationale « Le temps dans la poétique acméiste » organisé par le Centre d'Études Slaves André Lirondelle s'est tenue les 30 et 31 janvier 2009 dans le bâtiment de la Recherche de l'université de Lyon III. C'est une des très rares rencontres de chercheurs autour de l'école poétique qui a réuni en 1912 Nikolaï Goumilev, Ossip Mandelstam, Anna Akhmatova, Vladimir Narbout, Mikhaïl Zenkevitch, Sergueï Gorodetski. Après la brève partie inaugurale présentée par le directeur du CESAL Monsieur le professeur Jean-Claude Lanne et le responsable scientifique de la journée d'études Natalia Gamalova, la première séance s'est ouverte sur la communication de Svetlana Garziano (Lyon III) qui a comparé le traitement du temps dans les deux autobiographies, Le Bruit du temps de Mandelstam et Autres rivages de Nabokov. Gayaneh Armaganian-Le Vu (ENS LSH Lyon) a prolongé ces fructueuses comparaisons entre l'acméisme et les générations qui le suivaient en proposant la temporalité d'abord comme cadre de la lecture des épigones d'Anna Axmatova dans la poésie féminine de l'émigration, pour traiter ensuite « les visages de la Mémoire » dans l'œuvre de Nina Berberova. La communication de Jean-Claude Lanne (Lyon III) a été consacrée aux « objectivations » du Temps chez les « futuriens ». Dans ces trois premières interventions, la temporalité a confirmé son statut, choisi pour cette journée d'études, d'« échelle de référence », de structure qui sert à saisir « la diversité des semblables et la parenté des différences » pour reprendre la définition du philosophe Valéri Podoroga. Les répliques et les discussions ont souligné la proximité des poétiques de Khlebnikov et de Mandelstam, qui se rejoignent là où les deux poètes, inspirés de philosophies si distinctes, cherchent à inverser le Temps, le futur ou le passé. Elena Raskina (Institut des sciences humaines E.Dachkova, Moscou), auteur de l'ouvrage Géorgaphie poétique de N.S.Goumilev (2006), a parlé de la géosophie et de la catégorisation de l'espace dans les vers du chef des acméistes. La demi-journée du 30 janvier s'est terminée par la contribution de Natalia Gamalova (Lyon III) sur le thème de la lenteur dans la poésie de Mandelstam. La séance du 31 janvier a été dédiée à la lecture des exposés de Iouri Zobnine (université des Sciences Humaines, Saint-Pétersbourg) et de Florence Corrado (université de Bordeaux III) qui n'ont pas pu se déplacer. Elena Raskina a également présenté le travail éditorial du professeur Zobnine qui travaille depuis 1990 sur l'édition complète des œuvres de Nikolaï Goumilev. En élaborant le concept conventionnel de temps « éonique », néologisme dérivé de la notion d'éon chez Denys L'Aréopagite, Lioubov Kikhney a comparé le temps, historique, apocalyptique, prophétique, etc., chez les quatre acméistes : Mandelstam, Akhmatova, Narbout et Zenkevitch. La contribution d'Oleg Lekmanov (université d'État de Moscou) a permis de cerner l'atmosphère polémique dans laquelle s'est formé le cercle de Goumilev et ses théories. «Nous sommes contraint de reconnaître que l'acméisme est une poupée qui ne sait dire rien de plus que «papa - maman», et qui, en fin de compte, n'est pas si bien faite,» - voici une des déclarations, et pas la plus critique, relevées dans des documents inédits par le professeur Oleg Lekmanov. Les débats se sont déroulés en premier lieu autour du droit de cité de la notion même de « poétique acméiste » toujours remise en cause. Oleg Lekmanov a rappelé que l'existence du groupe relève de l'histoire littéraire et qu'elle doit être considérée comme telle. En revanche, Lioubov Kikhney, auteur de l'ouvrage Acméisme : vision du monde et poétique (2001) a défendu l'homogénéité fondamentale de la poétique acméiste : thématiques, conceptuelle et éthique. Dans ce contexte, Gorodetski est exclu du groupe non pas à cause de ses actes, mais justement en vertu de sa poétique. Les valeurs éthiques de l'acméisme, elles, réunissent et les actes et les vers. Ensuite, les discussions ont dévoilé deux approches différentes de la poésie acméiste, et des textes culturels en général : la méthode issue de l'histoire littéraire qui privilégie le contexte, les conditions qui engendrent l'œuvre et la méthode interprétative ou « typologique », lorsque « le sens du texte peut s'ouvrir sur tous les quasi-mondes ouverts à notre intelligence » (P.Ricœur). L'interprétation, à son tour, suppose une position prise : on le fait en tant qu'exégète, formaliste, existentialiste, marxiste, phénoménologue, linguiste, psychanalyste ou autres. Enfin, surgit la question de l'influence de l'acméisme ou des acméistes sur les poètes du XXème siècle, que ce soit la littérature en émigration ou celle en Russie : N.Otsoup, G.Ivanov, G.Adamovitch, S.Makovski, M.Lozinski, N.Nedobrovo, V.Rojdestvenski, A.Tarkovski, K.Vaguinov. Peut-on systématiser, ou du moins certifier l'influence (terme délicat et même périlleux) acméiste, sur ces auteurs ?  
Natalia GAMALOVA,
responsable scientifique de la Journée d'études
Université Jean Moulin  Lyon III - CESAL