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LASCAUX Anne-Adélaïde

Paysans de la hess. L’insertion des agriculteurs marocains par des pratiques informelles dans la huerta provençale en déclin

Publié le 19 décembre 2022 Mis à jour le 19 décembre 2022

Thèse en Géographie Aménagement, soutenue le 5 juillet 2022.

Cette thèse analyse l’émergence d’une nouvelle catégorie d’agriculteurs issus de la migration dans la huerta provençale. Le système productif méditerranéen repose depuis des décennies sur l’exploitation d’une main-d’œuvre saisonnière étrangère par des petits producteurs marchands locaux ; or une partie de ces salariés, essentiellement des Marocains, ou leurs enfants deviennent désormais des entrepreneurs agricoles. Pour y parvenir, ils s’insèrent dans les interstices en friche d’un espace agricole délaissé par des élites locales, elles-mêmes fragilisées par les crises successives qui ont frappé le monde agricole méditerranéen lors de la seconde moitié du XXè siècle. Pour s’installer en tant qu’exploitants, les agriculteurs marocains ont recours à des pratiques informelles. En dissimulant une partie de leurs revenus et de leurs activités, ils imitent les manières de faire des agriculteurs provençaux en difficultés. Toutefois, tous les agriculteurs marocains ne créent pas des entreprises stables : certains réussissent et investissent durablement les campagnes provençales, tandis que d’autres échouent ou se contentent d’utiliser l’entreprise agricole comme une stratégie d’accumulation économique. L’entrepreneuriat agricole est un outil employé par des individus issus de la migration et en situation de déclassement afin de concrétiser leur projet de réussite migratoire. Devenir patron permet à ces ouvriers de se dégager de leur condition salariale et d’entamer une mobilité économique et sociale. Les campagnes en déclin sont des espaces de repli pour des travailleurs précaires à la recherche de nouvelles opportunités professionnelles. À mesure que les agriculteurs marocains se réalisent en tant que chef d’exploitation, ils s’ancrent et se projettent dans un espace rural qui devient un lieu de vie pour eux et leur famille. L’activité agricole participe ainsi à refermer l’horizon migratoire de travailleurs longtemps habitués à une circulation entre les deux rives de la Méditerranée. Le nouveau profil d’agriculteur incarné par les producteurs marocains illustre les dispositifs d’ancrage qui se déploient dans la migration et convie à repenser les liens entre agriculture et migration du point de vue de l’entrepreneuriat et de l’autonomie.

Mots-clés : migration, informel, huerta, Provence, agriculture, Marocains, entrepreneuriat, rural

This thesis analyzes the emergence of a new category of migrant farmers in the Provencal huerta. For decades, the Mediterranean farming system has relied on the exploitation of seasonal foreign workers by small-scale local producers. Some of these workers, mainly Moroccans, or their children, have now become agricultural entrepreneurs. To achieve this they insert themselves into the vacant interstices of an agricultural space abandoned by local elites, themselves weakened by the successive crises that befell the Mediterranean farming community in the second half of the twentieth century. To settle down as entrepreneurs, Moroccan farmers resort to informal practices. As they hide part of their income and their activities, they imitate the ways and means of struggling farmers in Provence. However, not all Moroccan farmers create stable enterprises: some succeed and invest in the Provençal countryside on a long-term basis, while others fail or only use agricultural enterprise as a means of economic accumulation. As a result, farming entrepreneurship becomes a tool used by individuals with a migration background and experiencing downward social mobility as a means of building a successful migration project. To become a business owner allows these workers to free themselves from their condition as wage-earners and to begin both an economic and social transition. The declining countryside appears as a place of retreat for precarious workers in search of new professional opportunities. As Moroccan farmers become self-employed as farm managers, they anchor and project themselves in a rural space that becomes a home for them and their families. Agricultural activity thus contributes to narrowing the migration prospect of workers long used to circulating between the two shores of the Mediterranean. The new farmer profile embodied by Moroccan producers illustrates the rooting mechanisms that unfold in migration. It invites us to rethink the links between agriculture and migration from the standpoint of entrepreneurship and autonomy.

Keywords : migration, informal, huerta, Provence, farming, Moroccan, entrepreneurship, rural

Directeur(trice) de thèse : Karine BENAFLA et Julie LE GALL

Membres du jury :
- Mr BENAFLA Karine, Directeur de thèse, Professeure des universités, Université Jean Moulin Lyon 3, France,
- Mr LE GALL Julie, Co-directrice de thèse, Maître de conférence, Université Jean Moulin Lyon 3, France,
- Mr LESSAULT David, Chargé de recherche, CNRS, Angers, France,
- Mme MESINI Béatrice, Chargée de recherche, CNRS, Aix en Provence, France,
- Mme POULET MOREAU Monique, Professeure des Universités, Université Paris Nanterre, France,
- Mme RIANO Yvonne, Professeure, Université de Neuchâtel, Suisse,
- Mr WEBER Serge, Professeur des universités, Université Gustave Eiffel, Marnes la Vallée, France.

Président(e) du jury : Serge WEBER