- Recherche,
La Norme religieuse dans l’Antiquité
Le colloque sur La Norme religieuse dans l’Antiquité, organisé par le CEROR (Centre d’Études et de Recherches sur l’Occident Romain) de Lyon 3, et par Hisoma (Histoire et Sources des Mondes des Mondes Antiques/ Maison de l’Orient et de la Méditerranée) de Lyon 2, s’est tenu les 14 et 15 décembre 2007 à la MOM.
Deux exemples montrent avec quelle véhémence la norme était parfois affirmée et défendue.
Le scandale des Bacchanales, en 186 av. J.-C., est un exemple privilégié pour réfléchir à cette question, puisque, tout au long du récit de Tite Live, on voit se construire en creux, par le scandale et les pratiques illicites, une opposition entre ce qui est la norme et ce qui ne l'est pas. C'est évidemment la manière dont on célèbre ces cultes qui heurtait la norme : pour les autorités de l'époque - ou pour Tite Live - la religion ancestrale était ouverte, commune, et non clandestine ; elle était dirigée par des Romains, par des hommes, issus de l'élite ; la divination était strictement contrôlée, et surtout elle devait servir le salut et le bien-être du peuple Romain et non pas déboucher sur une conjuration contre les Romains. Par les différentes accusations, une fois de plus formulées de manière négative, la norme émerge en creux, tout comme quelques siècles plus tard, l'exemple des brigands, magiciens et voleurs met en scène une contre-norme. Ces gens sacrifient, mais ils offrent des humains, ils consomment des banquets sacrificiels, mais de chair humaine, contrairement à ce qui est licite d'après la norme commune. Pour les historiens de la religion, les anecdotes, les déviances et les scandales sont donc très utiles pour reconstruire par fragments la norme ancestrale. D'une autre manière, les coutumes religieuses des colonies de l'Anatolie romaine (exemple d'Amaseia du Pont) attestent que la déduction coloniale n'a jamais imposé qu'un cadre général quant aux devoirs religieux et aux institutions religieuses des nouvelles cités. La romanisation propose un concept religieux plus qu'un contenu, et il est passionnant de voir évoluer les institutions et les divinités locales, « indigènes » dans ce cadre romain, de même qu'en Afrique les éléments et les vocables du culte impérial évoluent suivant des traditions locales et en fonction des intérêts locaux. En prenant un peu de recul, on a pu se demander si la relative généralité de la norme religieuse des Romains, semblable à celle de la plupart des peuples du monde antique, ne fut pas un des éléments de la réussite de l'Empire romain qui fit vivre côte à côte, dans un même ensemble, des communautés humaines et culturelles fort diverses, héritage de la vieille tradition romaine et latine de l'alliance entre cités. On perçoit également, de ce point de vue, les raisons de l'incompréhension entre les Romains traditionnalistes et les chrétiens. Alors que ceux-ci prétendaient qu'en confessant leur foi en un Dieu unique ils ne faisaient rien de répréhensible, les Romains invoquaient la norme religieuse commune : il était interdit d'exclure les autres dieux de la piété. Celle-ci exigeait des gestes précis et non une foi profonde, du moins professée et exclusive. Bref, il est indéniable que la norme religieuse romaine, forgée par l'histoire, peut rendre compte de la plupart des comportements des Romains et ce fut tout l'intérêt du colloque que de l'éclairer par des exemples empruntés à des espaces et des périodes très divers, de la République romaine à l'Antiquité tardive.