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La lumière à l'œuvre | Martin DUMAS

"L'an 1311"

Publié le 17 décembre 2020 Mis à jour le 17 décembre 2020

Atelier d'arts plastiques dirigé par Jean-Baptiste SAVOY | Décembre 2020


L'an 1311 © Martin DUMAS "Cette peinture représente un homme assis sur un trône, se tenant la tête. Sa posture est très ferme, ancrée dans le sol grâce à ses jambes et ses bras qui forment les lignes de force. Malgré ces appuis, sa tête et ses épaules semblent s’effondrer, elles penchent vers la gauche.

Il porte sur lui une lourde armure de plaques en or, des protège-bras et des chausses dorées. Il a une cape turquoise qui semble couler sous ses jambes, sa tunique est maintenue par une fibule de cuivre.

Il porte sur la tête une couronne percée de joyaux et à ses pieds se trouve un orbe renversé, surmonté d’une croix. Au-dessus de lui ses armes, son épée et un écu aux couleurs du royaume de France et de Navarre. La scène est encadrée par deux rideaux rouges repliés par une corde d’or.

Le sujet de ce tableau est le roi Philippe IV dit Le Bel, roi de France de 1285 à 1314. La peinture le représente en 1311, lors de la dévaluation de la monnaie dans le royaume.

À cette époque le roi, qui tente de modifier profondément le système monétaire du royaume, fait face à de nombreuses révoltes populaires et à celles des barons. Ces soulèvements on pour but de lui faire abandonner ses desseins et revenir à la monnaie traditionnelle. Il fait frapper de nouvelles monnaies d’or pour reprendre à certaines communautés le monopole de l’argent que les rois n’ont plus depuis longtemps. Les décisions de la couronne occasionneront l’une des plus graves crises économiques de ce temps.

Le roi est ici peint assis sur son trône, dans son palais, en pleine réflexion sur le bienfondé de son combat, cherchant une bonne solution pour se sortir de l’impasse dans laquelle il est.



L'an 1311 © Martin DUMAS détail Les drapés rouges tombant sur les bords en haut à droite et à gauche du tableau, sortant de la pénombre, allègent le haut de l’œuvre par des touches claires et vives, tandis qu’en bas ils s’évasent et disparaissent laissant au noir la place pour alourdir le tableau. Cela donne une première impression au tableau : le sujet est écrasé et seul sous ces lourds rideaux.

Entre les deux étoffes Joyeuse, l’épée royale par excellence, symbolise le royaume.

Le bouclier met en avant sa grandeur avec les armoiries de deux grands territoires et l’épée est le symbole de la puissance royale, elle est l’arme des rois de France, servant aux sacres. C’est un immense symbole.

Ici ces éléments montrent la puissance du royaume mais aussi sa dangerosité, ils sont disposés juste au-dessus du roi pour faire planer au-dessus de sa tête une menace : Joyeuse est ici une épée de Damoclès prête à s’abattre sur le roi. C’est la représentation du poids des responsabilités qui incombent au roi.


L'an 1311 © Martin DUMAS détail Soutenant le monarque, le trône massif au bois presque invisible est pourtant taché de rouge, la couleur du velours pour le confort du roi mais aussi la représentation du sang versé pour qu’il soit assis ici. Le sujet s’assoit littéralement dans le sang du peuple pour devenir roi. Cette couleur est aussi présente sur le rideau, ce qui accentue le sentiment de violence du tableau.

Le roi est représenté assis et puissamment ancré au sol pour montrer son statut, il est le roi et le seul. Ici sa place n’est pas remise en jeu, il est un monarque puissant et souhaite l’être d’avantage, mais sa tête et ses épaules désaxées indiquent que malgré sa stabilité apparente le roi est mal en point, ses ennemis sont nombreux et le menacent, ce qui le place dans une mauvaise posture.

Sa lourde armure ne fait qu’aggraver son inconfort. Symbole de la puissance économique, les plaques d’or contrastent totalement avec les tons rouges et sombres du reste du tableau – le sang du peuple. Son visage pâle presque malade et son expression perdue renforcent l’idée d’inconfort du roi. Sa cape semble, elle, s’évaporer dans la pénombre : c’est ici le symbole des capétiens qui disparaît, laissant présager le funeste sort réservé à la dynastie.


L'an 1311 © Martin DUMAS détail À ses pieds le monarque a laissé tomber un orbe, c’est celui des rois de France et des souverains de l’Europe chrétienne en général. Véritable symbole de foi catholique, il est ici renversé, montrant un roi perdu se détachant peu à peu de ce qui fait de lui ce qu’il est.

Seule sa couronne trône fièrement sur son crane encore une fois pour montrer la richesse du roi en comparaison avec le reste, avec la masse qui subit la crise dans le sang.

Le roi, accablé par ses responsabilités et par la masse sombre de ses ennemis, laisse ses attributs royaux s’effacer peu à peu tandis que, certain de sa bonne idée, il continuera sa réforme monétaire qui va mener le peuple à devenir de plus en plus pauvre tandis que le roi recevra tout l’or du royaume.

Ici est représenté le moment où le royaume de France se métamorphose, la féodalité décline, le pouvoir royal s’impose comme le seul pouvoir et se met en avant.



L'an 1311 © Martin DUMAS détail Dans ce tableau la lumière joue un grand rôle, elle semble venir d’en haut à droite et représente la sortie de la crise. Elle est la bonne voie, celle que le roi aurait dû emprunter pour que tous soient heureux. Cette lumière est utopiste, c’est une lumière divine inatteignable mais qui pourrait servir de guide au roi.

Mais le monarque s’en détourne, son regard est tourné vers l’exact opposé.

La lumière met en évidence le sang versé par son peuple et les richesses royales ; le roi ferme les yeux et préfère fuir le cadre.

Il fuit aussi la morale, représentée par l’orbe chrétien qui semble disparaître dans le noir.

L’ombre est omniprésente du côté du monarque, elle est la représentation même de la crise. Le roi y plonge, le regard assombri, son visage s’effaçant dans le noir.



Ce tableau, par son sujet médiéval, a pour but de traiter des thèmes bien plus actuels. Cette crise que traverse le roi et son royaume font écho à notre monde plongé lui aussi dans des crises, qu’elles soient sanitaires économiques ou environnementales. Le roi est ici le gouvernement qui se détache de plus en plus des soucis du peuple représenté eu rouge car c’est la couleur populaire par excellence.

Ce tableau a pour but de mettre en lumière les dérives de notre société notamment en France. J’ai voulu par cette œuvre exprimer mon point de vue sur cette époque troublée et mon ressenti par rapport à des sujets politiques qui nous sont exposés à longueur de journée."