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HIRSCHHORN Damien

Haïti : Une intervention exemplaire ? La Réforme du Secteur de Sécurité en Haïti

Publié le 19 septembre 2014 Mis à jour le 19 septembre 2014

Thèse en Droit mention sécurité internationale et défense soutenue le 15 septembre 2014.

Haïti est une terre de contrastes où s’entrecroisent douleurs et désespoirs, joies et futur prometteur. C’est un pays jeune, à l’histoire complexe pleine de rebondissements. Mais Haïti c’est aussi un pays riche et pauvre à la fois. Depuis deux cents ans le pays est en proie à l’instabilité politique, coups d’état, occupations, violences, une situation qui a placé la sécurité au cœur de toutes les dynamiques nationales.
Le but de notre recherche a consisté à partir de l’expérience haïtienne à conceptualiser la notion de sécurité, en gardant à l’esprit que chaque réalité, chaque environnement, international, régional, national, local, exige son propre concept sécuritaire. Ainsi se référer à la notion de sécurité c’est inévitablement prendre en compte une dimension internationale, nationale, et humaine. Mais la notion de sécurité ne se limite pas uniquement à l’absence d’événement violent ou de traumatisme, elle comporte un aspect subjectif où l’influence de l’expérience individuelle et communautaire joue un rôle essentiel car elle influe sur le sentiment de sécurité de la communauté dans son ensemble.
Pour entendre comment cette notion s’articule en Haïti, et pourquoi il a été nécessaire de la réformer, nous avons dans un premier temps fait un état des lieux en prenant en compte les acteurs et les institutions publiques chargées de la sécurité, qu’ils soient nationaux ou internationaux. Puis nous avons évoqué la réalité haïtienne dans son environnement qui permet d’appréhender la situation actuelle et de tenter une approche analytique des particularités de ce pays. Ainsi avons-nous pu éclairer les besoins réels de réforme du secteur de sécurité, montrer que ce changement se devrait d’être plus humain, tourné vers la réalité du pays, et non calqué sur un modèle qui s’appliquerait comme une surimposition.
Notre étude s’attache ensuite à dresser un tableau des missions successives de l’ONU en Haïti, ainsi que des agences onusiennes qui agissent sur le terrain en matière de réforme du secteur de sécurité. Après le départ forcé d’Aristide en septembre 1991, plusieurs missions vont se succéder en Haïti avec des résultats plutôt mitigés qui n’ont guère d’effet sur une stabilisation durable du pays. En 2004, la situation est telle, qu’une guerre civile, promue par les Etats-Unis, guette. L’ONU interviendra de nouveau : d’abord par l’envoi d’une force multinationale, puis par celui d’une mission de maintien de la paix, la MINUSTAH. Cette mission de stabilisation, parfaitement intégrée, a été conçue pour ne pas reproduire les erreurs du passé. L’accent est mis sur un l’établissement d’un environnement sûr et stable, axé sur la participation au dialogue politique et les droits de l’homme avec une approche de sécurité humaine. Toutefois, le manque de coordination entre les acteurs, le mode de fonctionnement de la mission, la volonté d’imposer un « pack civilisationnel » et la nature intrinsèque des acteurs gouvernementaux ont pour résultat le gaspillage de centaines de millions de dollars sans amélioration tangible du secteur sécuritaire, de son organisation ou de son fonctionnement.
Enfin nous avons traité des différentes réformes entreprises dans le secteur de sécurité en Haïti par les autorités nationales, et de l’impulsion ou du manque d’impulsion mis en œuvre pour les mener à terme. Nous avons, par ailleurs, souligné combien les gouvernements haïtiens successifs, quelles qu’en aient été les raisons, ont eu la volonté de réformer l’appareil sécuritaire hérité des régimes précédents. Et, si l’Etat haïtien marque clairement sa volonté de mener à bien les réformes sécuritaires nécessaires, notons qu’il n’en va pas forcément de même pour chacune des entités concernées. Nous nous sommes, aussi, attaché à analyser l’implication internationale dans les réformes sécuritaires en évoquant l’implication grandissante des pays d’Amérique Latine et la volonté de s’affirmer sur la scène internationale comme des acteurs crédibles au maintien de la paix et de réforme du secteur de sécurité.
De manière générale l’expérience de réforme du secteur de sécurité en Haïti est mitigée, il existe des « histoires à succès », mais elles tiennent plus de l’acte isolé que d’une expérience commune et répandue. En effet, les côtés négatifs de l’expérience sécuritaire l’emportent sur les côtés positifs. Il faut de manière globale revoir l’implication de tous en Haïti, mais aussi les modèles sur lesquels sont construites les interventions internationales en RSS dans des environnements complexes et similaires à ceux d’Haïti.

Haiti is a land of contrasts where despair and pain, joys and promising future are intertwined. It is a young nation with a complex history full of twists and turns. But Haiti is also a country rich and poor at the same time. For two hundred years, it has been the prey of political instability, coups, occupations, violence, a situation that placed security at the heart of all national dynamics.
The aim of our research consisted in using the Haitian experience to conceptualise the notion of security, keeping in mind that each reality, each environment, international, regional, national, local demands its own security concept. Thus, referring to the notion of security means inevitably taking into account the international, national and human dimensions. But the notion of security does not limit itself to the absence of violent or traumatic events, it comprises a subjective aspect where the influence of the individual and community experience play an essential role as it influences the security feeling of the community as a whole.
To understand how this notion is structured in Haiti and why it was necessary to reform it, an overview of the situation taking into account the actors and public institutions in charge of security, national or international was carried out, followed by an analysis of the Haitian reality in its own environment. This allowed to better comprehend the current situation and to try to undertake an analytical approach of Haiti’s particularities. We thus tried to shade a light on the real needs for security sector reform, to show that the changes needs to be more human, and turned towards Haiti’s reality, and not copied from a model which would act as additional layer, sometimes even as an imposition of a totally foreign societal system.
Our study is then aimed at understanding the successive UN missions in Haiti, as well as UN agencies, that acted in the security sector reform field. After the forced departure of Aristide in September 1991, several missions will be sent to Haiti with ambivalent results. In 2004, the situation is such that a civil war, promoted by the United States, is on the verge of happening. The UN will again intervene: first by sending a multinational force, then a peacekeeping mission, MINUSTAH. This stabilisation mission, perfectly integrated, was conceived not to reproduce past mistakes. The emphasis was laid on establishing a safe and stable environment, based on the participation to the political dialogue and human rights with a human security approach. However, the lack of coordination between actors, the functioning mode of the mission, the will to impose a “civilizational package” and the intrinsic nature of governmental actors resulted in the waste of millions of dollars, without any tangible improvement of the security sector, its organisation or functioning.
Finally, this study deals with the different reforms undertaken in the security sector in Haiti by national authorities, and the impulse or lack of it, to carry them out. We also stressed, whatever the reasons might have been, how the successive Haitian governments had the will to reform the security apparatus inherited by the previous regime. And, if the Haitian State clearly showed its will to carry out the necessary security reforms, not every entity had such a will to do so. We also analysed the international involvement in security reforms by mentioning the increasing implication of Latin America, and the will to assert themselves on the international scene as credible actors in peacekeeping and security sector reform.
Generally, the security sector reform experience in Haiti is ambivalent, success stories do exist, but they are more isolated acts than a common and spread experience. Indeed, negative points of the security experience have the upper hand on positive points. Globally, the involvement in Haiti has to be reviewed, but also the models on which security sector reform international intervention are based on in similar and complex environments such as Haiti.

Mots-Clés :
Réforme du Secteur de Sécurité, Etat de Droit, Stabilisation, Justice, Police, Haïti, Sécurité humaine, Frontière, Gestion sécuritaire intégrée, Gestion frontalière intégrée, Réforme stratégique, Dictature, ONU, MINUSTAH, Unité de Stabilisation du Royaume-Uni, Groupe de Travail pour la Stabilisation et la Reconstruction, Administration pénitentiaire, Réforme carcérale, Immigration, Douanes, Organisation des Etats Américains, Groupe ABC 

Keywords :
  Security Sector Reform, Rule of Law, Stabilization, Justice, Police, Haiti, Human security, Border Integrated security management, Integrated border management, Strategic reform, Dictatorship, UN, MINUSTAH, United Kingdom Stabilisation Unit, Stabilization and Reconstruction Task Force, Penitentiary administration, Prison reform, Immigration, Customs, Organisation of the American States, ABC Group

Directeur de thèse : Gérard HOFFMANN

Membres du jury : 
Luc QUONIAM, Professeur émérite, université de Toulouse Var
Monique BOURGUIGNON, Professeur émérite, Université Paris Descartes
Jean-Paul JOUBERT, Professeur, Université Jean Moulin Lyon 3
Gérard HOFFMANN, Professeur, Etablissement France Business School

Président du jury
: Jean-Paul JOUBERT

Mention : Très honorable

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