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GENTET Graziella

Lyon, les villes et la noblesse provinciale

Publié le 1 mars 2024 Mis à jour le 1 mars 2024

Thèse en Histoire, soutenue le 27 novembre 2023.

Le 24 février 1589, Lyon, capitale du Lyonnais, du Forez et du Beaujolais, bascule dans la Ligue catholique et rompt ainsi avec le représentant légitime du trône de France. Cet événement, marquant l’entrée de la capitale provinciale dans la dissidence, est le résultat de plusieurs mois de préparation clandestine et de mobilisation des notables de la cité. Lyon, à la tête du mouvement ligueur de la région, cherche alors pendant cinq ans à étendre son influence dans un large espace composé des trois provinces et des gouvernements voisins.
Qui sont ces hommes qui parviennent à faire basculer puis à maintenir la ville dans la dissidence ? Quels moyens emploient-ils pour soumettre la capitale des Gaules et une grande partie de la région à leur obéissance ? Sur quelles bases enfin entretiennent-ils leur cohésion pendant toute la durée de la Ligue ?
La grande étendue et la solide structuration de leurs réseaux mettent en évidence un haut degré d’organisation du parti ligueur lyonnais. Les relations étroites qu’ils entretiennent, les divers types de liens qui les unissent, ainsi que le soutien qu’ils apportent au gouverneur du Lyonnais, le duc de Nemours, leur permettent une diffusion rapide de leurs discours politiques, le maintien d’un consensus idéologique fort et une mobilisation de capitaux financiers importants pour une mise en défense efficace du territoire. Toutefois, malgré la forte structuration hiérarchique de ces réseaux, les chefs ligueurs lyonnais ne sont pas à l’abri de dissensions et de conflits avec d’autres groupes de ligueurs ne partageant pas le consensus établi. Ils doivent ainsi faire face à une pression interne venue des entrailles de la cité, des organes institutionnels lyonnais comme des milieux socio-professionnels soudés, qui finissent par prendre le pouvoir et par imposer une nouvelle direction politique au sein du mouvement ligueur.
Ces dissensions internes ne sont pas les seuls phénomènes engendrant un risque de déstructuration du parti ligueur. En effet, l’influence forte des chefs ligueurs lyonnais est contrebalancée par celle de la noblesse provinciale dont l’engagement complexe, souvent sinueux, parfois passif, constitue une composante fondamentale dans l’échiquier politique de la région. En ces temps de troubles, les relations que les gentilhommes entretiennent avec Lyon deviennent des gages d’une intégration aux réseaux urbains, une intégration plus ou moins grande selon le type de relation tissée avec la cité. Au contraire, une possible confrontation peut naître de l’absence de liens avec les groupes lyonnais au pouvoir.
Si la mobilisation des gentilhommes constitue le nerf de la guerre, celle des villes et des villages est tout aussi importante. Places de garnison, passages nécessaires pour les armées, lieux de rencontre de chefs militaires ou encore entrepôts d’armes et de munitions, les rôles multiples des différentes localités de la région transforment leurs habitants et leurs dirigeants en intermédiaires indispensables entre les armées et les chefs lyonnais qui cherchent à les intégrer à leurs réseaux de relations. Or, le poids de la capitale provinciale n’aboutit pas nécessairement à un engagement politique fort de ces dirigeants urbains en faveur de la Ligue catholique car ils y voient la possibilité d’acquérir une autonomie plus grande vis-à-vis de Lyon.
En outre, l’engagement de la noblesse provinciale et des villes proches de Lyon doit être considéré à une échelle plus vaste : celle d’une région située à la frontière du duché de Savoie qui ne manque pas d’influencer les habitants du gouvernement du Lyonnais.
La scène politique lyonnaise est ainsi composée d’une multitude d’acteurs dont il convient de percevoir la structuration, l’organisation et les liens avec les dirigeants lyonnais afin de mesurer le poids de la cité dans la région, d’appréhender les différents types d’engagements et enfin de mieux comprendre l’évolution et les ruptures du mouvement ligueur.

Mots clés : Lyon ; réseaux ; noblesse ; villes.

On February 24, 1589, Lyon, capital of the Lyonnais, Forez and Beaujolais regions, pledged allegiance to the Catholic League, breaking ties with the legitimate representative of the French throne. The event marked the provincial capital's entry into dissent. This was the result of several months of surreptitious preparation and mobilization of the city's notables. For the five years to come, the city of Lyon who is leading the League movement in the region, will try to expand its influence over a vast territory encompassing the three provinces and neighbouring territories.
Who was behind the shifting of city’s allegiance and who did try keeping it in dissent? What did they use to subjugate the capital of Gaul with a large part of the region to their obedience? And on what basis did they maintain their cohesion throughout the duration of the League?
The extent and solid structure of their networks demonstrates the high degree of organization of the Lyonnais league party. The close relationships they maintained, the various types of ties that bound them together, and the support they gave to the Governor of Lyonnais, the Duc of Nemours, enabled them to rapidly disseminate their political discourse, maintain a strong ideological consensus and mobilize substantial financial capital for the effective defence of the territory. However, despite the strong hierarchical structure of these networks, Lyon's League leaders were not immune to dissension and conflict with other League groups who did not share their established consensus. As a result, they had to cope with internal pressure from within the city, from Lyon's institutional bodies as well as from close-knit socio-professional circles, which eventually seized power and imposed a new political direction on the league movement.
These internal dissensions were not the only phenomena generating the risk of league party disintegration. In fact, the strong influence of Lyon's League leaders was counterbalanced by that of the provincial nobility, whose complex, often sinuous and sometimes passive involvement was a fundamental component of the region's political chessboard. In these troubled times, the relations that the nobles maintained with Lyon became a guarantee of their integration into the urban networks, to a greater or lesser extent depending on the type of relationship they forged with the city.
On the other hand, the absence of ties with Lyon's ruling groups could lead to confrontation. While the mobilization of the nobles was the lifeblood of the war, the mobilization of towns and villages was just as important. As garrisons, necessary passageways for armies, meeting places for military leaders and arms and munitions warehouses, the multiple roles of the region's various localities made their inhabitants and leaders indispensable intermediaries between the armies and Lyon's leaders, who sought to integrate them into their networks of relations. However, the weight of the provincial capital did not necessarily lead to a strong political commitment on the part of these urban leaders to the Catholic League, as they saw it as an opportunity to gain greater autonomy from Lyon.
What's more, the commitment of the provincial nobility and towns close to Lyon needs to be considered on a broader scale: that of a region bordering the Duchy of Savoy, which did not fail to influence the inhabitants of the Lyonnais government.
The Lyonnais political scene is thus made up of a multitude of players whose structuring, organization and links with the Lyonnais leaders need to be understood in order to gauge the city's weight in the region, to grasp the different types of commitments and, finally, to better understand the evolution and ruptures of the league movement in Lyon.

Keywords : Lyon ; networks ; nobility ; cities.

Directrice de thèse : Yves KRUMENACKER et Pierre-Jean SOURIAC

Membres du jury :
- M. KRUMENACKER Yves, Directeur de thèse, Professeur des universités émérite, Université Jean Moulin Lyon 3,
- M. SOURIAC Pierre-Jean, Co-directeur de thèse, Maître de conférences habilité à diriger des recherches, Université Jean Moulin Lyon 3,
- M. AMALOU Thierry, Rapporteur, Professeur des universités, Université d'Artois, Arras,
- M. LE ROUX Nicolas, Rapporteur, Professeur des université, Paris Sorbonne Université,
- Mme BARANOVA Tatiana, Maitre de conférences, Paris Sorbonne Université,
- Mme CARPI Olivia, Maître de conférence, Université Jules Verne, Amiens.

Présidente du jury : Nicolas LE ROUX