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DAILLOUX Jean-Paul

Les lois successorales de la Révolution française : une anticipation de l’évolution de la famille ?

Publié le 17 janvier 2020 Mis à jour le 17 janvier 2020

Thèse en Droit, soutenue le 12 juillet 2019.

Les historiens du Droit ont longtemps fait peu de cas du droit civil de la Révolution française qualifié péjorativement de droit intermédiaire. Mais depuis le bicentenaire de la Révolution française, ils ont révisé leur appréciation et davantage mis en exergue la modernité de cette législation que l’on peut désormais considérer comme une anticipation du droit contemporain de la famille. Cette thèse est une contribution à cette œuvre de réhabilitation.
Le droit des successions de l’ancien régime était caractérisé par l’inégalité de ses règles. La proclamation de l’égalité civile dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 impliquait une refonte complète de cette matière. Les deux premières assemblées, la Constituante et la Législative n’avaient fait qu’entamer ce travail en supprimant les inégalités les plus manifestes, les privilèges d’aînesse et de masculinité, ce qui fut l’occasion de discussions sur le droit de tester. Ce fut la Convention qui réalisa les réformes les plus considérables et les plus célèbres à l’apogée de la Révolution, au moment où les tensions idéologiques étaient exacerbées. Un premier projet de Code civil fut discuté mais n’aboutit pas.
En attendant la rédaction d’un second projet amendé, il fut résolu de mettre en application quelques parties du premier sur des questions qui semblaient particulièrement urgentes. C’est ainsi que des « articles d’appendice » du premier Code, furent mis en application au moyen de deux lois. La première est celle du 12 brumaire an II sur les droits des enfants naturels qui étaient essentiellement des droits successoraux, la seconde est la loi du 17 nivôse an II, sur la dévolution successorale et l’égalité des partages.
Leur caractéristique commune était d’introduire la rétroactivité dans le règlement des successions ouvertes depuis le 14 juillet 1789, date symbolique de l’avènement de la liberté, pour hâter la mise en application des principes nouveaux. Cet effet rétroactif fut ensuite violemment critiqué, dès que la situation politique se retourna avec l’élimination des Robespierristes. De nombreuses plaintes affluèrent pour montrer les graves inconvénients pratiques de cette situation. Les législateurs postérieurs revinrent sur cet effet au moyen de lois qui s’échelonnent du 9 fructidor an III au 3 vendémiaire an IV.
Les rédacteurs du Code civil maintinrent le principe d’égalité dans la famille fondée sur le mariage. Mais en ce qui concerne les enfants nés hors mariage, le code de 1804 consacre les solutions les plus dures qu’il était possible d’imaginer à leur encontre. Il n’est plus question d’égalité même tempérée. La situation de ces enfants ne fut améliorée que très lentement pendant 150 ans. Ce mouvement s’est néanmoins accéléré à partir de 1972 pour aboutir à la situation actuelle.

Law historians have long ignored the civil law of the French Revolution, pejoratively termed as “intermediate right”. But since the bicentennial of the French Revolution, they have revised their appreciation and highlighted the modernity of this legislation that can now be considered as an anticipation of the contemporary law of the family. This thesis is a contribution to this rehabilitation work.
The inheritance law of the old regime was characterized by the inequality of hits rules. The proclamation of civil equality in the Declaration of the Rights of Man of 1789 implied a complete overhaul of this subject. The first two assemblies, the Constituent Assembly and the Legislative Assembly, had only begun this work, removing the most obvious inequalities, the privileges of aeness and masculinity, which was the occasion for discussions on the right to test. It was the Convention that carried out the most important reforms at the height of the Revolution, at a time when ideological tensions were exacerbated. A first draft of the Civil Code was discussed but did not succeed.
Pending the drafting of a second amended draft, it was resolved to implement some parts of the first, on matters which seemed particularly urgent. Thus, “appendix articles” of the first Code were implemented by means of two laws. The first is that of 12 Brumaire year II on the rights of natural children, which were essentially inheritance rights. The second is the law of 17 Nivôse year II, on the devolution of inheritance and the equality of shares.
Their common feature was to introduce retroactivity into the settlement of estates opened since July 14, 1789, the symbolic date of the advent of freedom, to hasten the implementation of the new principles. . This retroactive effect was then violently criticized , as soon as the political situation tuned around with the elimination of the Robespierrists.  Many complaints poured out to show the serious practical inconvenience of this situation.
The later legislators returned to this effect, by means of laws which extended from the 9th Fructidor year III, to the 3rd Vendemiaire year IV. The drafters of the Civil Code maintained the principle of equality in the family based on the marriage. But with regard to the children born out of the wedlock, the Code of 1804 devotes the harshest solutions that could be imagined against them. It is no longer a question of even moderate equality. The situation of these children was only very slowly improved for 150 years. However, this movement accelerated from 1972 onwards to current situation.

Mots-clés : Révolution française, famille, successions, enfants naturels, code civil

Keywords : French Revolution, family, inheritance, natural children, civil code

Directeur(trice) de thèse : Louis-Augustin BARRIERE

Membres du jury :
- M. Louis-Augustin BARRIERE, Directeur de thèse, Professeur des universités, Université Jean Moulin Lyon 3,
- Mme Carine JALLAMION, Professeure des universités, Université de Montpellier,
- M. Christian BRUSCHI, Professeur des universités émérite, Université d’Aix Marseille,
- M. David DEROUSSIN, Professeur des universités, Université Jean Moulin Lyon 3,
- Mme Françoise FORTUNET, Professeure honoraire, Université de Dordogne Dijon.

Président (e) du jury : David DEROUSSIN