• Recherche,
  • Philosophie,

CUOQ David

Le Droit face à la menace anarchiste. Des mesures extraordinaires de sauvegarde de la République (1871 à 1918)

Publié le 7 février 2022 Mis à jour le 7 février 2022

Thèse en Droit, soutenue le 1er juillet 2021.

Le XIXème siècle engendre des mutations socio-économiques. La France entre dans la Révolution industrielle et la société connait de profondes mutations avec l’apparition du concept de la « lutte des classes ». Au sein des villes, des questions sociales se posent. La bourgeoisie craint les bouleversements sociaux. Le prolétariat, en marge d’une société profondément inégalitaire, nourrit un sentiment de révolte à l’encontre du système capitaliste et devient le terreau fécond du développement des idées anarchistes.
En France, les anarchistes sont devenus plus violents de 1871 à 1918, lorsque la Commune de Paris s'est terminée dans un bain de sang et après la Congrès de La Haye. Certains socialistes s'inspirent des idées de Pierre-Joseph PROUDHON, Michel BAKOUNINE et Pierre KROPOTKINE. Selon eux, l'autorité et la propriété privée sont responsables des abus du capitalisme. Par conséquent, toute forme d'autorité - qu'elle soit économique, politique ou morale - doit prendre fin, y compris par le recours à des actions illégales et à la violence. Les attentats sont considérés par les anarchistes comme faisant partie d'une démonstration de force et de propagande, et visant à sensibiliser la classe ouvrière. Elle a progressivement donné naissance à ce que l'on appelle la « propagande par le fait ». Toutes les conditions pour l’émergence d’un terrorisme nouveau sont alors réunies. La propagande par le fait devient une nouvelle théorie de l’action terroriste.
En touchant la Chambre des Députés et le Président de la République, les anarchistes frappent le cœur et le sommet de l’Etat. Devant la menace et l’atteinte à la démocratie, le Parlement adopte une série de lois. Celles-ci marquent un tournant dans l’histoire de l’infraction politique. Elles accompagnent un mouvement général tendant à assimiler la délinquance politique à celle de droit commun. Des lois qui sont très vite qualifiées en raison de leurs teneurs de « scélérates ». A gauche comme à droite, des parlementaires voient ces lois comme une menace à l’encontre de la liberté de la presse et des libertés individuelles. Ces lois ont été élaborées à la hâte et votées dans l’affolement. Elles constituent un véritable code de la répression de l’anarchie. Cette législation spéciale pose en effet les règles permettant l’incrimination de l’opinion anarchiste en confondant terrorisme et anarchisme.
La présente thèse soutient que ces lois sont effectivement très particulières, en raison de leurs conceptions et de leurs justifications. Pour ce faire, il convient d’expliquer d’une manière objective la genèse de ces lois extraordinaires à partir de la consultation des archives parlementaires, de la Préfecture de police de Paris, des correspondances entre juristes et criminologues provenant du Fonds Alexandre LACASSAGNE de la Bibliothèque municipale de Lyon. Cette méthode permet d'étudier les arguments - pour et contre - qui existaient à l'époque. Elle permet également d'analyser les techniques utilisées pour influencer l'opinion publique. En fait, cette thèse peut également aider à appréhender les formes modernes de terrorisme, car elle explique comment un contexte de violence peut favoriser l'adoption de lois parfois considérées comme liberticides.

Mots-clés : Terrorisme, anarchisme, violence, propagande, république, démocratie, libertés individuelles, Etat de droit, infraction politique, législation d’exception, maintient de l’ordre public, sûreté de l’Etat, lutte anti-terroriste.

Significant social-economic changes occurred over the course of the 19th century. The industrial revolution started in France and the society changed radically. At the time, class conflict emerged, in particular in cities. The so-called “bourgeoisie” was afraid of social change, whereas the “proletariat” was suffering from the inequalities of the system. The latter progressively turned against capitalism and anarchist ideals matured.
In France, anarchists became more violent from 1871 – 1918, when the Paris Commune ended with a bloodshed and after the Hague Confress. Some socialists were inspired by the ideas of Pierre-Joseph PROUDHON, Michel BAKOUNINE and Pierre KROPOTKINE. According to them, authority and private property should be blamed for the abuses of capitalism. Hence, any form of authority – whether economic, political moral – had to end, including through the use of unlawful actions and violence. Attacks were viewed by anarchists as part of a force demonstration and propaganda, and aimed at raising awareness among the worker class. It progressively gave birth to the so-called “propaganda of the deed”.
The Parliament decided to react and several acts were passed. Political infractions were assimilated to ordinary crimes, and anarchism, to terrorism. Free speech was also restricted, and MPs were afraid of those limits on the freedom of the press and individual freedom. In fact, these acts are now described as “villainous laws”.
The present thesis argues that these laws are indeed very special, owing to their conceptions and justifications. To proceed, parliamentary, police and legal archives were resorted to. This method allows for a study of the arguments – pro and con – that existed at the time. It also allows for an analysis of the techniques used to influence public opinion. In fact, this thesis may also help grasp modern forms of (islamist) terrorism, as it explains how a context of violence may favour the adoption of freedom-destroying laws.

Keywords : Terrorism ; anarchism ; violence ; propaganda ; republic ; democracy ; individual freedom ; rule of law ; political infractions ; public order ; safety ; anti-terrorism

Directeur(trice) de thèse : Philippe DELAIGUE

Membres du jury :
Mr DELAIGUE Philippe, Directeur de thèse, Maître de conférences habilité à diriger des recherches, Université Jean Moulin Lyon 3,
Mr CARVALHO Therence, Rapporteur, Professeur des universités, Université de Nantes,
Mr LE GAL Sébastien, Rapporteur, Professeur des universités, Université Grenoble Alpes,
Mr BARRIERE Louis-Augustin, Professeur des universités, Université Jean Moulin, Lyon 3,
Mme THEVAND Aude, Maître de conférence, Université Catholique de Lyon.

Président(e) du jury : Louis-Augustin BARRIERE