En partenariat avec le TNP - Villeurbanne
& avec le Collège de Droit de l'université

Photos : Loïc Nys

1983 est une année charnière sur le plan économique, politique et social. C'est une année qui marque le "tournant de la rigueur" initié par le Parti Socialiste arrivé au pouvoir en 1981, et qui engage la France dans un virage libéral et une politique d'austérité qui tranche avec les nationalisations et les promesses sociales qu'avaient portées Mitterrand au pouvoir.

Quelques mois plus tard, une grande marche est organisée par de jeunes fils et filles d'immigrés le 15 octobre 1983 à partir de Marseille, avec pour objectif de revendiquer l'égalité des droits ainsi qu'une existence sociale, culturelle et politique. Les marcheurs dénoncent le racisme et les violences policières qui ont cours depuis les années 70. Cette marche pacifique atteindra Paris le 3 décembre et 100 000 personnes rejoindront le défilé.

La même année, le Front National, qui jusque-là n'était qu'un groupe politique informel, fait son entrée dans le paysage politique français en remportant la mairie de Dreux et se fait connaître à travers la figure de Jean-Marie Le Pen qui  les médias et grimpe dans les sondages.

Revenir sur ce virage des années 80, c'est se poser la question du contemporain et de la dislocation du lien de solidarité qui unissait français et immigrés dans un contexte de crise économique grandissante et d'augmentation du chômage. Cela pose aussi la question du "rendez-vous raté" (Beaud, Masclet) entre la gauche et les banlieues, en soulignant aussi la récupération des luttes des jeunes français issus de l'immigration et de leur marginalisation.

Avec

Alice CARRÉ, conception et écriture

Margaux ESKENAZI, conception et mise en scène

Samir HADJ BELGACEM, maître de conférences en sociologie, Université Jean Monnet - Saint-Étienne


Animée par Philippe DELAIGUE, maître de conférences en histoire du droit,
Université Jean Moulin Lyon 3

En résonance au spectacle

1983

Conception : Alice CARRÉ & Margaux ESKENAZI
Écriture : Alice Carré
Mise en scène : Margaux Eskenazi

Margaux Eskenazi et Alice Carré sont de retour au TNP ! Dans la lignée du spectacle Et le cœur fume encore, présenté la saison passée, elles prolongent leur réflexion sur la construction des identités françaises et des mémoires oubliées. De quels récits avons-nous hérité ? Quels récits souhaitons-nous écrire pour notre présent ? Pour creuser ces interrogations et mieux appréhender notre société contemporaine, elles placent cette fois-ci la focale sur une année de bascule, 1983.

En 1983, vingt ans après la guerre d’Algérie, se pose la question de l’intégration des enfants dits de la deuxième génération d’immigration. Fils et filles de harkis ou de militants et militantes du FLN, ils ont passé leur enfance ou adolescence sur le sol français. À l’automne 83 débute La Marche pour l’égalité et contre le racisme : de Marseille à Paris en passant par Vénissieux, les marcheurs affirment leur place dans la société française, en tant qu’enfants d’immigrés. Le président socialiste de l'époque, François Mitterrand, donnera raison à l’une de leurs revendications : la carte de séjour de dix ans. Ces enfants-marcheurs seront désormais légitimes sur le territoire français. Mais l’espoir suscité par cette marche s'étiole rapidement : la recrudescence des crimes racistes, les violences policières, la montée de l’extrême droite ou la ghettoïsation des populations immigrées sont les signes manifestes de la rupture qui s’opère entre la nation et les quartiers populaires.

S’appuyant sur des recherches historiques approfondies et des enquêtes auprès des marcheurs et de leurs descendants, l’écriture esquisse une poétique singulière en mettant à l’honneur la musique de Rachid Taha et de son groupe Carte de Séjour. La compagnie Nova réunit ici les ingrédients qui font sa force et sa singularité : une troupe engagée, une écriture de plateau sur le temps long et la quête tenace d’une friction entre le réel et le théâtre. À la jonction de l’intime et du collectif, les artistes interrogent la notion d’engagement et ses saisissent de questions fondamentales : comment les mémoires se transmettent-elles ou non, au sein d’une famille ? Et au sein d’une société ?