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CHAVANON Antoine

Les garanties du contribuable face aux mesures fiscales anti-abus de droit interne : entre équilibre et stratification

Publié le 2 décembre 2022 Mis à jour le 28 mars 2023

Thèse en Droit, soutenue le 2 décembre 2022

À la croisée du droit fiscal stricto sensu, du droit constitutionnel et des procédures pénale et fiscale, l’étude des garanties du contribuable amène à la résurgence d’une problématique ancestrale, celle de la confrontation entre les intérêts privés et publics. Irrémédiable au sein d’un État de droit, le rapport de force tend à être apaisé par la recherche d’un équilibre. Nombreux sont les acteurs animés par cette quête. L’Administration, le juge, le législateur ou encore les organes arbitraux tentent de concilier les appétences de chacun. Par leur aura, les principes fondamentaux guident le raisonnement et tentent d’endiguer tout octroi abusif de privilèges indus. Leur traduction en droit positif justifie la création de concrètes garanties. Transversales, ces dernières accompagnent le justiciable tout au long du processus d’imposition. Les protections sont dès lors hautement polymorphes, passant, par exemple, d’une faculté de faire appel à une tierce assistance au respect, par les services fiscaux, d’un délai minimal d’observation. Certaines telles que le rescrit ou le contrôle sur demande sont optionnelles et requièrent une action positive du contribuable. D’autres le relèguent en arrière-plan tel un bénéficiaire indirect d’une obligation imputée aux autorités d’application. Prolongeant cette philosophie, les transmissions ponctuelles et qualitatives d’informations par le biais, entre autres, d’un avis de vérification ou d’une proposition de rectification exemplifient une contrainte propre aux services fiscaux. D’une manière générale, les garde-fous visent à compenser les pouvoirs inévitablement supérieurs de l’organe étatique. En ce sens, les dispositifs anti-abus ont tout autant pour objectif de lutter contre la fraude fiscale que d’endiguer les prérogatives répressives dont disposent les autorités d’application. Preuve des compromis ambiants, la sanction doit respecter les droits fondamentaux de l’individu en cause. En vue de pallier l’évolution infinie de la forme frauduleuse, des dispositions générales se mêlent à des mécanismes topiques pour former un filet apte à appréhender tout manquement présent et futur. En guise d’illustration, l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales, désormais accompagné par le « mini » abus de droit, épousent, sauf exception, la quasi-totalité des situations délétères. Leur transversalité est elle-même tempérée par l’existence de clauses anti-abus spécifiques à l’instar des articles 205 A, 979, 210-0 A du Code général des impôts. La multiplication des dispositifs alimente les problématiques relatives à leur articulation. L’adage « specialia generalibus derogant » tente d’uniformiser l’édifice procédural et, par là même, d’atteindre une cohérence d’ensemble. Toutefois, l’accumulation de textes conduit à une stratification normative peu enviable tant pour le contribuable que pour le professionnel en mesure de l’épauler. Tel un serpent de mer, le respect de la sécurité juridique, et plus largement celui des droits fondamentaux, suscitent un nombre important de décisions contentieuses. Par surcroît, un équilibre passé ne préjuge en rien de sa satisfaction future. Instable, la frontière entre les droits du contribuable et les prérogatives administratives fluctue au gré des réformes. La récente création d’un article L. 64 A au sein du Livre des procédures fiscales en témoigne.

Mots clés : de droit, Procédure fiscale, Garanties du contribuable, Clause anti-abus, Rescrit, Contrôle fiscal, Fraude fiscale, Principes fondamentaux, Droits de la défense, Contradictoire, Sanction, Acte anormal de gestion, Motif principalement fiscal, Règle d’assiette, Pouvoir de requalification, Théorie de l’apparence, , Article L. 64 du Livre des procédures fiscales,

At the crossroads of tax law, constitutional law and criminal and tax procedures, the study of taxpayer’s guarantees leads to the resurgence of an ancestral problem, the confrontation between private and public interests. Irremediable in a rule of law, the power relationship tends to be appeased by the search for a balance. Many actors are driven by this quest. The Administration, the judge, the legislator, or the arbitration bodies try to reconcile the different interests. By their aura, the fundamental principles guide the reasoning and attempt to stem any abusive granting of undue privileges. Their translation into the positive law justifies the creation of concrete guarantees. Cross-cutting, they accompany the individual throughout the tax process. The protections are therefore highly polymorphic, ranging, for example, from an option to call on third-party assistance to the respect, by the tax services, of a minimum observation period. Some, such as the rulings or the inspections on request, are optional and require positive action from the taxpayer. Others relegate him to the background as an indirect beneficiary of an obligation imposed to the authorities. Extending this philosophy, the punctual and qualitative transmissions of information through, among other things, a notice of a tax inspection or a reassessment proposal exemplify a constraint specific to the tax services. Generally speaking, the safeguards are intended to compensate for the inevitably superior powers of the state organ. In that sense, the anti-abuse tax measures aim as much to fight against tax evasion as to curb the repressive prerogatives belonging to the authorities. Proof of the ambient compromises, the sanction must respect the core rights of the individual. To compensate for the infinite evolution of the fraudulent form, the general provisions combine with the topical ones to form a net capable of apprehending any present and future breach. To illustrate the point, the article L. 64 of the French Tax Procedure Code, now accompanied by the “minor” tax law abuse, embrace, with some exceptions, almost all deleterious situations. Their transversality is itself tempered by the existence of specific anti-abuse clauses like the articles 205 A, 979, 210-0 A of the French General Tax Code. The proliferation of mechanisms boosts the problems relating to their articulation. The adage “specialia generalibus derogant” attempts to standardize the procedural structure and, thereby, to achieve an overall consistency. However, the accumulation of texts leads to an unenviable normative stratification for both taxpayers and professionals. As a well-worn subject, the respect for legal certainty, and more broadly for fundamental rights, generate many contentious decisions. Moreover, a past balance in no way prejudges its future satisfaction. The border between the rights of the taxpayer and the administrative prerogatives fluctuates according to the reforms. The recent creation of an article L. 64 A within the French Tax Procedure Code reflects the trend.

Keywords : law abuse, procedure, payer’s safeguards, ,Anti-abuse clause, Ruling, inspection, evasion, Core principles, Rights of the defence, Contradictory, Sanction, Irregular management action, Objective mainly tax-oriented, Appearance theory, Abuse, Article L. 64 of the French Procedure Code

Directeur de thèse : Jean-Luc PIERRE

Membres du jury :
-M. PIERRE Jean-Luc, Directeur de thèse, Professeur des universités, Université Jean Moulin Lyon 3,
-M. DE LA MARDIERE Christophe, Rapporteur, Professeur des universités, CNAM, Paris,
-M. LAMBERT Thierry, Rapporteur, Professeur des universités, Université Aix-Marseille,
-Mme CHATAIN Lise, Maitre de conférences HDR, Université de Montpellier,
-Mme DEBOISSY Florence, Professeure des universités, Université de Bordeaux.

Présidente du jury : Lise CHATAIN