• Recherche,

MEZZADRI Agathe

Une recherche de la pure écriture : du paradoxe à la répétition. Analyse stylistique des œuvres dévotes de Fénelon.

Publié le 4 mai 2016 Mis à jour le 4 mai 2016

Thèse en Langue et Littérature françaises soutenue le 31 mars 2016.

Parallèlement au pur amour pour Dieu, c’est le rêve d’une pure écriture que Fénelon semble poursuivre lorsqu’il rédige ses œuvres dévotes.
Pour le mystique, parvenir à l’amour pur suppose d’anéantir totalement sa volonté pour ne laisser place, en soi, qu’à la volonté de Dieu. De même, pour l’écrivain, la pure expression est celle qui fait parler le « Verbe », tout en faisant taire « le bruit des créatures » (Lettre à la sœur Charlotte de Saint-Cyprien, 10 mars 1696).
Nous avons donc mis au jour une analogie entre la recherche d’une écriture idéalement transparente au Verbe et la doctrine du pur amour pour Dieu, par le même effacement du moi. L’enjeu de ce travail de thèse a été d’analyser les phénomènes linguistiques ressortissant à cette analogie, ainsi que leurs présupposés théologiques, philosophiques, et même parfois psychanalytiques.
Pour ce faire, notre travail suit la trajectoire stylistique singulière de Fénelon dans ses œuvres dévotes : du paradoxe à la répétition. L’association des deux figures, qui ne va pas de soi à première vue, informe, en effet, une réflexion en acte sur la pure écriture. Si le paradoxe est le moyen d’expression le plus pur pour les poètes baroques et mystiques dont Fénelon a été vu comme un continuateur, il est un procédé ignoré ou condamné par les logiques, rhétoriques et grammaires classiques. En outre, lorsqu’il est brillant et incisif - ce que nous nommons paradoxe rhétorique - le procédé ne satisfait pas le nécessaire effacement du moi requis par le pur amour. C’est pourquoi, la quête de la pure écriture passe de la difficile reprise du paradoxe baroque par le mystique du Grand Siècle à son échappatoire dans la répétition.
Dans une première partie, après avoir étudié les différentes définitions du paradoxe selon les temps, les types de paradoxe, les disciplines de référence et selon les théoriciens, nous situons la position de Fénelon en le replaçant dans son contexte historique. Puis nous mettons au jour, dans une seconde partie, l’effort de Fénelon pour parvenir à une pure écriture, effort qui est pris dans une ambiguïté entre condamnation du paradoxe rhétorique comme instrument mondain de langage et expression du paradoxe mystique. Fénelon tente d’atténuer le paradoxe, soit qu’il essaie, en le transformant en pseudo-paradoxe, d’éliminer l’effet de violente surprise qu’il comporte, soit même qu’il cherche à prendre une distance avec le paradoxe mystique en le réduisant par l’abondance des explications, tout en cultivant l’effacement énonciatif. La dernière partie démontre comment cette abondance s’exprime à travers l’usage infiniment développé de la répétition, au sein duquel nous distinguons ce qui vient d’une pulsion de mort et ce qui s’origine dans une pulsion de vie, dans le pur amour d’un Dieu infini, foncièrement équivoque.
Besides pure love for God, Fénelon searches pure writing in his devout works.
For the mystic, reaching pure love means to completely annihilate one’s will to leave room wholly to the will of God. Similarly, for the writer, the pure expression is the one that allows God to speak while silencing “the noise of creatures" (Letter to the sister Charlotte of Saint-Cyprien, 10 March 1696). Thus, we underlined the parallel between a writing perfectly transparent to God and the pure love for God, as the same deletion of the self is required in both.
The aim of this thesis was to reveal and analyze the linguistic phenomena generated by this parallel between pure love and pure writing, and to review their theological, philosophical, and sometimes psychoanalysis presuppositions.
To do so, our study follows the singular stylistic trajectory of Fénelon’s devout works: from paradox to repetition. The combination of the two figures - which is not obvious at first -, informs, indeed, a reflection on pure writing. As a matter of fact, the paradox is the purest expression for baroque and mystic poets among which Fénelon has been seen as a successor. It is, however, a process ignored or condemned by the classical theorists. Furthermore, when it is bright and sharp - what we call rhetorical paradox - the process does not meet the necessary erasing of the self, required by pure love. Therefore, Fénelon’s quest for pure writing moves from the difficult resumption of baroque paradox to his escape in repetition.
In the first part, after considering the different definitions of paradox amongst times, types of paradox, fields and theorists, we situate Fénelon in his historical context. Then we study Fénelon’s effort to achieve a pure writing through the use of paradox. This effort lies in an ambiguity between the condemnation of the rhetorical paradox as a mundane instrument of language and the expression of the mystical paradox. Fénelon attempts to mitigate the paradox in two ways. On the one hand, he tries to turn it into a pseudo-paradox, by eliminating his effect of violent surprise. On the other hand, he seeks to distance himself from the mystical paradox by an abundance of explanations. The last part shows how this abundance is expressed through the infinite use of repetition. In that part, we distinguish between the repetition coming from a pulse of death – because of the mystical asceticism, and what was originally a pulse of life - because of the pure love of an infinite God.

Mots-Clés : Fénelon, Pureté, Pure écriture, Stylistique, Mystique, Paradoxe, Répétition

Keywords :
Fénelon,  Pureness, Pure writing, Stylistic, Mystic,Paradox,Repetition

Directeur de thèse : Violaine GERAUD
                                  
Membres du jury :
- SIOUFFI Gilles Professeur des universités Université Paris IV Sorbonne
- CUCHE François Xavier Professeur des universités émérite Université de Strasbourg
- LEPLATRE Olivier Professeur des universités Université Jean Moulin Lyon 3
- RABATEL Alain Professeur des universités ESPE Université Claude Bernard Lyon 1
- GERAUD Violaine Professeur des universités Université Jean Moulin Lyon 3

Président du jury
: François CUCHE

Mention : Très Honorable

Equipe d'accueil : CEDFL